Kandy la dernière cité royale du Sri Lanka

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

26 février 2022

Aujourd’hui, je vous emmène en balade autour de la dent du Bouddha. Nous sortons de la fervente ambiance des salles sacrées où la dent est conservée, et nous nous baladons dans un complexe palatial qui mérite une journée entière tant il est riche de monuments, de musées, et autres sites historiques. C’est ici que s’est joué le destin du Sri Lanka. Ici, que la dernière dynastie perdit sa légitimité.

La dernière dynastie

Naissance d’une capitale

n 1590, les rois cingalais, dont la capitale était Kotte, non loin de la côte, se replièrent dans les montagnes. Face à l’avancée des envahisseurs portugais dans les basses terres, ils choisirent Kandy protégée de remparts naturels. Cette occupation n’entache en rien la réputation des rois kandyens qui restent dans l’histoire du Sri Lanka, la dernière dynastie légitimée par la possession de la dent du Bouddha.

Autour d’un lac qu’ils creusèrent, ils édifièrent temples et palais dont le faste intact aujourd’hui est un immense pied de nez aux trois colonisateurs (portugais, néérlandais, britanniques) qui occupèrent l’île, entre 1505 et 1948.

Sri Dalada Maligawa 

Le temple de la dent, les palais et musées.

La voie royale

Entre l’enceinte extérieure, derrière laquelle s’allongent les files d’attente et l’entrée du temple, nous cheminons sur une grande esplanade ( Mahamaluwa) qui était autrefois la zone d’attente de ceux qui demandaient une audience au roi.

Déambulant sur cette voie royale, nous rencontrons de merveilleux sourires, et nous admirons le toit doré qui couvre le temple central où est conservée la dent du Bouddha.

Royale posture au centre du monde

De l’architecture massive du temple de la dent se dégagent les rondeurs harmonieuses du Patthirippu, la tour octogonale. Elle fut construite, à la fin du XVIIIe siècle, sous le règne de Vikrama Rajasinha, le dernier roi du Sri Lanka. C’était au départ une tour isolée. Avec les multiples transformations du site, elle fut peu à peu englobée dans la structure générale du Maligawa. C’est actuellement la bibliothèque du temple.

Le toit octogonal soutenu par huit piliers répond aux symboles forts du bouddhisme. Chaque colonne représente les huit orientations de la boussole, le monarque au centre de sa tour, était donc dans sa royale posture, au centre du monde.

Paththirippuwa signifie « voir assis ». Si le monarque pouvait effectivement s’asseoir là, à l’ombre et à l’abri des grains tout en ayant le loisir de regarder alentour, cette tour lui servait de tribune. Ici, le roi parlait à ses sujets (l’expression « discours politique » n’existait pas encore). Il y présidait également la Perahera. Procession pendant laquelle le reliquaire de la dent est porté par un éléphant sacré escorté de centaines de pachydermes caparaçonnés d’ors et de riches tissus. Les animaux sont menés par des cornacs aux costumes chatoyants. Danseurs et musiciens aux costumes étincelants et masques allégoriques enrichissent ces cortèges gigantesques.

Le pavillon de Rajha

Les bouddhistes considèrent que c’est un honneur pour l’éléphant de participer à ces processions. Tant et si bien que l’un d’eux a reçu son propre musée pour l’éternité.

Rajha est un éléphant qui eut « le privilège » de porter pendant 50 ans, la dent du bouddha pendant la perahera. Lorsqu’il décède à 84 ans, en 1988, il reçoit des funérailles nationales.

Il est conservé dans un cercueil de verre non loin de la dent qu’il a servie toute sa vie.

En pénétrant dans son pavillon, je suis les fidèles qui se prosternent devant lui. Je n’ose exprimer, le moindre sourcillement qui pourrait affecter les Srilankais autour de moi, mais je l’avoue, je suis consternée par la vue de cet éléphant portant ses lourdes chaînes jusque dans la mort !

L’éléphant en question

Dans la culture asiatique, l’éléphant a depuis toujours un statut particulier. Bête de somme ou « convoi » religieux, souvent arraché à son milieu naturel réduit à peau de chagrin par l’avancée humaine, il passe sa vie sous la domination d’un cornac aux méthodes tyranniques et cruelles (maltraitance, sous-alimentation, utilisation de pics pour blesser l’animal…).

Autour des temples, souvent, un éléphant lourdes chaînes sur le cou, courtes chaînes à la patte déformée par l’emprise, se balance tristement, la larme à l’oeil. Chaque rencontre est un crève-coeur. Et je pense à Bouddha resté de nombreux jours dans une caverne, sans en sortir, car elle avait été envahie d’insectes. De peur d’en piétiner un seul, il refusa de bouger. S’il revenait et voyait ce que « sa religion » fait des éléphants, que penserait-il? Était-ce la volonté de ce philosophe qui prônait le respect de tout être, fût-il énorme ou minuscule ?

Je me sens désolée, car c’est là une forme de jugement que j’expose. Mais les associations se battent pour que la relation humain-éléphant évolue au Sri Lanka et plus globalement en Asie. Espérons qu’ils y réussissent mieux que nous, qui avons décimé les populations d’ours, de félins et autres animaux endémiques de nos forêts. 

Néanmoins, le problème au Sri Lanka pourrait trouver des solutions. Il suffit déjà de réveiller les consciences des touristes étrangers! Si l’on ne peut régler le problème intimement lié à la culture du pays, au moins nous pouvons, en tant que visiteurs refuser de participer au déclin de l’éléphant.

Avant de vous offrir « un trip » à dos d’éléphant. Observez-le. Enchaîné aux pattes, enchaîné au coup. Cherchez le pic dans la main du cornac. Voyez, les quelques branches offertes en « dîner » frugal.
Avez-vous encore envie de lui grimper sur le dos ?

Nous pouvons, avec bienveillance, en exposer les raisons, auprès de nos interlocuteurs sur place. Nous pouvons dissuader chaque nouveau touriste de participer au spectacle de la Perahera, de grimper sur le dos des éléphants, de leur donner le bain, ou de visiter des pseudo orphelinats d’éléphants. 

Nos comportements ont le pouvoir de changer le sort des éléphants!

Prenons conscience ensemble qu’éviter toute activité touristique qui implique éléphant, ou tout animal reconnu en danger est aussi une solution au problème.

Sortons du pavillon de ce pauvre Rajha, et retrouvons la belle architecture typiquement kandyenne du complexe palatial

Pierres de lune – Sandakada pahana

Le Sandakada pahana est un élément majeur et caractéristique de l’architecture du Sri Lanka. Ces pierres plates, taillées en demi-lune, richement gravées, placées au pied des escaliers ou à l’entrée des monuments sont apparues dès les premières dynasties à Anurâdhapura vers 377 av.J.-C. Elles symboliseraient le cycle de Saṃsāra dans le bouddhisme, soit les renaissances successives.

Tous les escaliers, toutes les entrées du temple ou des palais sont ornés de pierres de lune. À Mahawahalkada, la porte principale, chaque fidèle foule une magnifique pierre de lune ornée de guirlandes de dragons qui cernent un lotus. La porte est décorée d’éléphants conduisant la Perahera.

Diya Agala

Les douves protégeaient autrefois le palais, le temple et sa précieuse relique. Elles sont entourées de murs aux arabesques régulières qui figurent des nuages. Les alvéoles servaient à accueillir des lampes d’argile. Ces mêmes murs encerclent le lac où se trouve le pavillon de la reine et l’îlot Diyathilaka Mandapaya qui, dit-on, servait de harem au roi.

Alut Maligawa

Alut Maligawa est une salle imposante dallée de noir et de blanc, aux voûtes soutenues par des têtes d’éléphant dorées. Faisant face à la porte, au bout de cette longue sale, un Bouddha d’or, flanqué d’éléphants sculptés, de défenses d’éléphants et d’autres bouddhas de marbre domine un choeur et son autel. De chaque côté de la galerie des tableaux racontent la légende de la dent, son parcours depuis la crémation du Bouddha jusqu’à Sri Lanka.

Les fidèles sont plus décontractés que dans Gandha-Kuti, la salle de la relique. Ils paraissent presque y être en villégiature, restant là, assis à discuter entre deux prières sous une haie d’honneur d’une dizaine de bouddhas assis offerts par la Thaïlande.

Mangul Maduwa – salle d’audience

Dans les jardins une structure en bois cernée de 65 piliers mérite notre attention. Sa construction débuta en 1783, elle est l’une des dernières expressions architecturales des rois de Kandy. Elle est marquée à jamais, par ce jour de 1815, où les Britanniques destituèrent Sri Vikrama Rajasinha, dernier roi du Sri Lanka. Par la suite, il fut déporté avec sa famille en Inde, où il meurt en 1832.

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Retrouvez  tous les articles et vidéos sur le Sri Lanka  :
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12 Commentaires

  1. Dany

    Passionnant et beau récit , je suis toujours émerveillée par ces grands bâtisseurs surement portés et aidés par la foi.
    J’espère de tout cœur qu’avec la fondation et les post sur les réseaux, les touristes prendront conscience de la maltraitance des éléphants d’Asie, et que les Sri lankais finiront par changer « son statut particulier « être bienveillants et les protégerons, j’imagine comme tu as du être bouleversé. Pauvre Tikiiri l’image est terrible..
    Bravos, mille mercis Nat pour ce merveilleux voyage qui continue….

    Réponse
    • Nathalie Cathala

      Bonjour Dany
      Merci pour ton message
      Oui, j’ai été bouleversée et aussi outrée certains moments du voyage, à voir le comportement des humains face aux éléphants, et pas que …
      Néanmoins les mentalités changent et pas plus tard qu’hier je recevais des messages de nos amis du Sri Lanka allant dans ce sens. La jeunesse prend la relève
      Ils sont conscients qu’il ne faudra plus faire comme « avant ». D’ailleurs lors de la visite d’un autre temple dont je parlerai bientôt, alors que je regardais
      des figurines en plombs sous une vitre qui figurait la pérahera, le gardien me disait, que chaque année le nombre d’éléphant diminuait dans ces manifestations, et que à terme ils ne seraient peut-être plus utilisés
      espérons-le
      Un répits pour cette espèce serait bienvenu après des générations de maltraitance
      Merci pour ta lecture

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  2. Marie-France

    Merci de nous évader ma très chère Nat Dom ….bisous bisous chaleureux.

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  3. Françoise

    j’ai fait ce voyage sur le blog et j’admire beaucoup la façon dont tu décris ces magnifiques photos et surtout de l’éléphant..merci pour ce petit moment d’évasion très émouvant…❤ je t’embrasse également et prenez bien soin de vous

    Réponse
    • Nathalie Cathala

      un voyage sincère, pour des causes qui le méritent, selon ma conscience…

      Réponse
  4. Clara

    Absolument merveilleux et une mine d’informations passionnantes, j’y suis d’autant plus sensible que je rentre de cette île merveilleuse qu’est le Sri Lanka… MERCI, Nat, c’est toujours raconté aussi avec ton cœur et ta sensibilité, qui sont grands ! De gros bisous

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  5. Pom

    Merci ma jolie de nous permettre de voyager aussi aisément on en a bien besoin actuellement…

    Réponse
  6. Sylvie Revel

    Du 16ème siècle à nos jours , le Sri Lanka a vécu bien des étapes douloureuses mais le bouddhisme semble traverser tous les âges sans faiblir!Ce temple impressionne par son architecture et je m’imagine le dernier monarque assis et surveillant de sa tour son improbable avenir…Merci d’attirer notre attention sur l’éléphant sacré dont l’omniprésence inspire au premier regard l’admiration et le respect avant la compassion! Le fait de constater sa soumission par les chaînes et sa souffrance ne constitue pas un jugement mais un constat. Il est essentiel et honnête d’en informer le touriste pour une prise de conscience collective en espérant que les sri lankais comprennent au moins la nécessité de préserver l’espèce, à défaut de partager notre émotion! Ce voyage à Kandy nous aura appris bien des choses sur ce beau pays et ses fervents habitants . Félicitations ma petite Nat pour ces écrits passionnants et les magnifiques photos qui l’accompagnent . ❤️

    Réponse
    • Nathalie Cathala

      Merci à toi, Sylvie de ton message et à mon tour de te lire avec plaisir. Je pense que la jeunesse du Sri Lanka est consciente que la tradition peut être préservée sans pour autant continuer à soumettre l’éléphant. L’un de nos amis, se bat au quotidien pour dénoncer les actes de cruauté sur les éléphants. Comportement qui n’existait pas du tout il y a 30 ans. La nouvelle génération, sera le bouclier contre la disparition des éléphants. Je l’espère…

      Réponse

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