Résumé : Le Namaqualand fait rêver tous les géologues et pas uniquement pour ses diamants! Le paysage est l’un des mieux préservé au monde pour décoder la formation des reliefs. Ajoutez à cela un troupeau de chevaux sauvages adaptés aux conditions les plus arides au monde. La région nous raconte le parcours de notre Mère la Terre, mais aussi celle des Hommes et des animaux.
Bonjour,
Un grand ciel bleu accompagne notre départ du Fish River Canyon. Cette dernière escale a rempli nos yeux, nos têtes d’images sublimes et d’impressions vertigineuses. La barre est haute! L’escale à venir risque d’être sacrifiée sur l’autel de nos souvenirs trop vivaces!
Aujourd’hui, une route de 300 km nous attend. Nous roulons sur du bitume pour la première fois depuis 1900 km en 13 jours. Le long serpent noir repose le chauffeur des pistes cahoteuses. Mais le paysage est plat, plat, plat… Nous traversons une phase de lassitude accentuée par l’atonie des reliefs. Il ne faut pas s’endormir, et veiller. Une musique Marimba dans la voiture réveille les troupes! D’un effet magique, sur nos humeurs, nous nous sentons soudain comme Baloo dans le livre de la jungle !
À 20 km du point d’arrivée, le panorama ressuscite : des sommets rocheux aux couleurs pourpres percent une mer de sable cramoisie. Avons-nous atteint une autre planète? Mars? Les couleurs se réveillent au rythme ou le relief se dévoile. C’est magnifique ! Nous traversons la ville de Aus qui paraît enchâssée dans un relief prêt à s’écrouler.
L’Histoire de notre Mère à tous
Nous établissons le camp au sein d’une sentinelle de granite. Ici, à 1400 mètres d’altitude, nous sommes au coeur d’une très ancienne chaîne de montagnes qui fait partie du Complexe métamorphique du Namaqualand… Pour les géologues elle est une mine d’informations sur le processus de formation des chaînes de montagnes et de reliefs de l’écorce terrestre. Ce qu’ils nomment l’orogénèse. La ceinture rocheuse est le résultat de la collision et de la séparation successive de supercontinents. (Une hypothèse émise par Tuzo Wilson postule l’existence d’une cyclicité dans le mouvement des continents. Des blocs dispersés à la surface de la Terre s’amalgameraient pour former un supercontinent, puis il se fragmenterait à nouveau, ce sont les « cycles de Wilson » favorisés par la tectonique des plaques)
Pour schématiser, le plus ancien supercontinent aurait été « la Columbia » (1 800 millions d’années), suivi par « la Rodinia » formée il y a 1 100 Ma. La Rodinia se serait morcelée à son tour et les fragments se seraient à nouveau rassemblés au Paléozoïque (il y a 300 Ma) pour engendrer un troisième supercontinent connu sous le nom de Pangée. Ce dernier se divisa en deux « gros morceaux » que sont Laurasia au Nord et le Gondwana au Sud, eux-mêmes se craquelleront pour donner les continents que nous connaissons aujourd’hui.
D’après certains géologues, le paysage que nous avons sous les yeux est l’un des mieux conservés de notre planète. Rien n’encombre leurs observations : pas d’arbre, pas de mousse, et pas de constructions.
Néanmoins, des sédiments ou des débris se sont accumulés sur les pentes des reliefs, ce qui donne l’impression de voir surgir des sommets d’une mer de sable.
Si l’élévation du relief du Namaqualand est le résultat de la tectonique des plaques, en revanche les roches qui le composent, découlent d’un autre processus. On trouve ici deux types de roches : les roches volcaniques (granite) et les roches métamorphiques (gneiss, quartz, mica… ). La surface de la Terre est constituée de trois types de roches d’origines différentes. Les roches sédimentaires parmi lesquelles les calcaires, les roches magmatiques tels le basalte ou le granite, et les roches métamorphiques. Les roches volcaniques sont issues du refroidissement d’un magma formé dans la lithosphère.
Quand le magma se cristallise lentement en profondeur, il donne naissance à des roches granitiques. Après cette cristallisation en profondeur, le granite remonte à la surface en traversant des formations préexistantes.
Mais avant cette remontée vers la surface, il y eut un deuxième processus, celui du métamorphisme. C’est la transformation de roches primaires enfouies qui subissent de nouvelles conditions de température, mais également une pression. Sous l’influence de ces deux facteurs, la roche se métamorphose. Dans le cas du granite, les gros cristaux de feldspath s’arrondissent, tandis que les quartz et les micas se rassemblent en lits. La transformation se poursuit et l’ensemble adopte la structure feuilletée en ruban de gneiss. Ce dernier est une roche métamorphique qui présente des plans parallèles, sortes de lits où sont cristallisés les minéraux nouveaux cités plus haut.
Toutes les chaînes de montagnes qui furent autrefois élevées sous l’impulsion des mouvements récurrents de la croûte terrestre ont été par la suite érodées par l’eau lorsque la région n’était pas aussi aride que maintenant, et poursuivent aujourd’hui leur érosion par les vents violents, le sable et les chocs thermiques brutaux entre le jour et la nuit. Tous ces facteurs érosifs ont un effet de décollement des « peaux successives de la roche ». À l’image des « pelures d’oignon », les rochers s’arrondissent au rythme où l’érosion fait son oeuvre. Les effets thermiques quant à eux fissurent la roche et les cassent donnant cette impression de « ruines antiques ».
Selon Chris Spencer (un géologue partageur sur le site de travelinggeologist) il suffit de regarder le Complexe métamorphique du Namaqualand pour se figurer ce que seront les montagnes de l’Himalaya d’ici plusieurs centaines de millions d’années, lorsque les poussées tectoniques cesseront, et que les facteurs érosifs se mettront en activité.
La région de Aus est à la limite de trois écosystèmes : le désert du Namib, le Nama Karoo et le Succulent Karoo. Je vous ai parlé déjà des deux derniers dans le précédent blog (http://voyage.nat-et-dom.fr/2018/03/08/23856). Je vous parlerai du Namib dans les blogs à venir.
L’Histoire des Hommes
Pendant des milliers d’années, cette immensité fut le territoire des Khoi-San dont les tribus se disputaient, se chamaillaient, mais jamais n’eurent la suprématie l’une sur l’autre. La situation ne changea guère lorsque les premiers Européens débarquèrent en 1488. Bartolomeo Diaz fit escale au cap qui porte son nom désormais (Diaz Point). Mais il préféra naviguer vers le sud découvrant les caps de Bonne Espérance et des Aiguilles, ouvrant la route vers l’Inde.
Après cette incursion rapide, les Khoi-San ne subirent aucun changement. C’est en 1882 avec l’arrivée d’Adolf Lûderitz, fraîchement débarqué de Bremen en Allemagne que leur destin chavira! Les tensions opposent colons allemands et peuplades autochtones. Les nouveaux arrivants font venir la Schutztruppe (l’armée officielle des colons). En 1905 les Khoi-San sont « calmés » par la mort de leur chef Nama Hendrik Witbooi.
Dès 1906, les colons ordonnent la construction d’une ligne de chemin de fer entre Lüderitz et Aus et contraignent la population locale à participer aux travaux. Mille trois cent soixante Khoi-San meurent des mauvaises conditions.
En avril 1908, un diamant est trouvé le long de la ligne de chemin de fer. Cette découverte fait basculer la région dans une réelle ruée vers le brillantissime minéral. La région est déclarée « Diamond Restricted Area ». Une zone protégée jalousement par les exploitants. La zone au sud de Lüderitz est toujours classée diamantifère.
Après la Première Guerre mondiale, la suprématie allemande est mise à mal, les troupes sud-africaines prennent le contrôle. La région perd son influence germanique au profit de celle d’Afrique du Sud imbibée d’apartheid. En 1977-1979 l’apartheid est aboli, puis en 1990, la Namibie acquière son indépendante. Enfin la Namibie reprend les rênes !
Les chevaux du désert.
Il n’y a jamais eu de chevaux endémiques en Afrique australe. Ceux que l’on rencontre aux confins du Namib dans la région du Garub ont été importés par les Européens. D’abord, par les soldats de la Schutztruppe, puis par les troupes d’Afrique du Sud lors de la Première Guerre mondiale. Quelques éleveurs, dont le haras de Kubub, en importèrent également. L’Histoire mouvementée des colons eut une conséquence fortuite sur l’écosystème et fit s’adapter cet animal domestique à la vie sauvage d’une des régions les plus arides du Globe.
La présence de chevaux sauvages à Garub est attestée depuis les années 1920. Le Garub est un lieu-dit où les locomotives pouvaient s’alimenter en eau, grâce au forage d’un puits. Ce point d’eau est aujourd’hui entretenu afin de maintenir une faune sauvage dans les parages. C’est donc à Garub que les chevaux reviennent presque quotidiennement depuis près d’un siècle. C’est un point d’observation idéal pour les découvrir.
Pas moins de cinq hypothèses existent sur les raisons de la présence de chevaux sauvages à Garub. Parmi les plus plausibles : la débâcle des Allemands en 1915, défaits par les Sud-Africains, aurait causé la dispersion de chevaux appartenant à la fois aux troupes qui battent en retraite et à celles des poursuivants sud-africains. Le reste du troupeau actuel trouve son origine possible au moment de l’évacuation des civils en 1915. À l’époque, le maire de Lüderitz élève des chevaux de course et de travail pour les mines de diamants dans son haras de Kubub, situé à une trentaine de kilomètres de Aus. Au départ des civils ces chevaux sont livrés à eux-mêmes.
« L’isolement dans lequel ont vécu les chevaux du Namib pendant près d’un siècle a entraîné une certaine consanguinité. Pourtant, ces chevaux sont d’une incroyable résistance, résultat d’une sélection naturelle qui élimine les faibles et ne garde que les sujets dotés du meilleur patrimoine génétique. L’étude de prélèvements sanguins soulève d’ailleurs la possibilité que ces chevaux aient muté pour pouvoir survivre dans un environnement aussi inhospitalier. »
La population est estimée à 130 individus. En 1992, la Namibie connut une sécheresse dramatique pendant laquelle le gouvernement captura une centaine de chevaux afin de soulager l’écosystème. Cette erreur aurait pu causer la disparition du cheval sauvage. Après études, la controverse sur l’impact néfaste de la présence d’une espèce étrangère dans un biotope à l’équilibre fragile fut désamorcée. Aujourd’hui, conscientes de leurs responsabilités, les autorités namibiennes ont adopté une gestion cohérente de ce groupe.
Des études prenant en compte les pluies et les herbages ont établi qu’une population de 130 chevaux assurerait le meilleur équilibre avec l’écosystème. Elle pourrait, selon les conditions climatiques osciller entre 80 et 180 individus. En période de grave sécheresse, comme celle de 1992, l’alimentation des chevaux sera complétée avec de la luzerne, et en cas de surpopulation, un nombre déterminé de jeunes entre 2 et 4 ans (ceux qui n’ont pas de liens sociaux trop anciens avec leur groupe) sera relocalisé plus au sud à Aussenkehr, sur des terres qui leur sont attribuées près de la frontière sud-africaine. » (Emmanuel Theret sur http://aventurequestre.canalblog.com)
Ces chevaux sont uniques au monde. « Aucun autre cheval ne vit dans des conditions aussi extrêmes. Depuis 1993, des scientifiques sud-africains, convaincus de leur intérêt pour la recherche sur l’immunité, se penchent sur leur cas. Les chevaux du Namib ont encore beaucoup de mystères à dévoiler. » (Jacqueline Ripart sur Leperon.fr)
« Diamonds are forever! »
« Les diamants sont éternels », comme le dit le titre de ce James Bond mémorable. Cela ne se vérifie pas à Kolmanskop !
Kolmanskop a été bâtie en 1908 au sein du Sperrgebiet. Les Allemands définirent une « zone interdite » dès que les premiers diamants furent découverts. Seule la Deutsche Diamantengesellschaft (Société allemande de diamants) avait le droit d’exploiter cette mine à ciel ouvert. En 1915, les Sud-Africains prennent possession de la Namibie. De Beers obtient le contrôle total de la zone jusqu’en 1990. Après l’indépendance de la Namibie, le gouvernement acquière une participation de cinquante pour cent et conclut un partenariat appelé le Namdeb Diamond Corporation.
Kolmanskop connut un développement fulgurant dès 1908. Elle atteint son apogée, et brille de tous ses éclats en 1920. Elle s’équipe d’un hôpital, d’une salle de bal, d’une centrale électrique, d’une école, d’un théâtre, d’une salle de sport, d’un casino, d’une usine à glace, de commerces de bouche et d’un tramway. Les maisons cossues reflètent la richesse vite acquise des exploitants.
Petite anecdote, l’hôpital de Kolmanskop a été le premier d’Afrique à être équipé d’une machine à rayon X au début du vingtième siècle. On comprend pourquoi, lorsqu’on voit tous les subterfuges inventés par les ouvriers afin de dissimuler les précieuses pierres. La finalité de cette machine était avant tout commerciale et non sanitaire.
En visitant cette ville fantôme dévorée à petits grains par le sable, je vois une baignoire prête à dévaler tout schuss une dune de sable et je me demande comment ils survivaient sans source d’eau à proximité? En réalité, pendant cette période prospère l’eau potable était acheminée sur plus de 1000 kilomètres depuis Le Cap, en Afrique du Sud.
Bien que cette ville fut liée au plus riche gisement de diamants jamais connu, son déclin s’amorce vers 1930. L’abandon total de la ville fut effectif en 1954. Au Sud de la ville, la zone reste interdite.
L’Histoire funeste de Lüderitz
Nous faisons un « raid éclair » sur Lüderitz. La ville au destin létal ne nous engage guère… En effet, c’est ici que les Allemands installèrent l’un des cinq camps de concentration destinés au génocide des Namaqua et de Herero entre 1904 et 1908. Sur Shark Islande on dénombre entre 1032 et 3000 femmes, enfants, et hommes exterminés par les colons.
Face à cette Histoire cruelle et ce paysage de désolation battu par des vents fous, nous n’avons qu’une hâte : retrouver la paix du désert !
Un album photo pour une visite complète
Retrouvez les vidéos de cette étape sur notre chaîne YouTube :
Aus et les chevaux du désert:
La ville fantôme de Kolmanskop :
A bientôt,
Poursuivons ensemble l’Aventure en Afrique
Nat & Dom
Texte et photos Nathalie Cathala.
Auteurs des vidéos : Dominique et Nathalie Cathala, montages Dominique Cathala
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Namibie sur notre chaîne Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PLTpu6KpvPbAmWwrBp1NIcyLm9erS858ti
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Sources bibliographiques
Universalis
http://www.travelinggeologist.com
Wikipedia
http://www.simplegeo.ca
Yves Gautier (Universalis Cycles des roches)
http://aventurequestre.canalblog.com/archives/2008/11/18/11414486.html
(Certaines légendes de photos sur les chevaux sont issues de ce site aventurequestre.canalblog.com)
https://www.diamant-gems.com/gisement-diamant/
quel beau voyage ,c’est très intéressant et magnifique !très beau reportage instructif .plaisant à lire .Merci vous êtes super tous les deux .plein de gros bisous à partagés .A bientôt .
Merci beaucoup, très heureux lorsque nos reportages intéressent et touchent
Quelle immensité ! grâce à vous je découvre cette région, tout est si bien documenté, les chevaux du désert je me demandais de quoi pouvaient ils se nourrir voilà je sais ! merci plumette fille du désert et Dom l’africain 😉
Merci Dany, heureuse que ce reportage t’ai plu, et apporter à la maison, un coin du monde