Bonjour,
Et voici que le 30 mai est déclaré jour de la Sainte Jeanne d’Arc à Wallis et Futuna. Dans mon calendrier « made in Tahiti » c’est le jour de notre ami Ferdinand … Ha Ferdinand de Raiata, le Heiva! Tout un mois assise par terre à côté de lui à photographier danseuses et danseurs qui concourent pour la fête du Tiurai! Un souvenir…
Mais je m’égare!
En ce jour du 30 mai, le soleil annoncé n’est pas là, il a pris une remplaçante de marque : la pluie. Pas des grains, de la pluie si fine que je me pose la question : « est-ce du brouillard? » Le pont se mouille, nous préparons la prochaine nave, tangon mis en place, renvoi de génois à poste… toutim. Et nous entendons les cloches de la chapelle sonner à pleine volée. Qu’il est tentant d’abandonner les travaux de mouss’ pour rejoindre le katoaga, la messe et le kava.
Je vous ai parlé de ces pratiques dans le mail 101, mais pour être franche, mes connaissances étaient livresques. Et des amis m’avaient généreusement prêté leurs photos. Sympa! Mais grosse frustration pour moi!!!! Aujourd’hui je peux enfin entrer en contact avec cette population, qui sait que nous sommes là. Forcément! Nous étions le seul bateau étranger à notre arrivée. Deux Papalanis qui se baladent dans la campagne, cela ne passe pas inaperçu!
Nous abandonnons les travaux, l’annexe mise à l’eau, nous rejoignons ces clochers qui s’élèvent vers le ciel pour une seule messe par an, celle d’aujourd’hui! Le soleil consent à revenir et à chasser la pluie pour l’occasion.
A l’arrivée c’est un régal de découvertes!
Les chants sont sublimes, les voix divines, la cérémonie émouvante! Les jeunes filles magnifiques, la taille sertie dans leur Tao Vala (ceinture de fibre). Le prêtre s’emporte, les enceintes sifflent, les paroissiens écoutent. Certains restent dehors, il fait trop chaud. D’autres s’éventent de cet ustensile très pratique tressé dans le pandanus.
Dehors, l’ambiance est calme. Des cochons qui ne s’exprimeront plus jamais jouissent d’un bain de soleil, les pattes en l’air. Des chefs, des attachés de chefs restent à l’ombre sous le falé, tout à côté de l’église. Sous un arbre à l’ombre, près de la petite plage, un groupe de jeunes m’appelle. Il me dit de ne pas prendre les cochons en photos tant qu’ils ne seront pas « rangés ». L’un d’eux est vivant, dans sa cage. Il est destiné au prêtre. Je me demande s’il sait que ses congénères sont partis rejoindre l’éternité du « dieu cochon ». Il est de mauvaise humeur le gros cochon noir. Il remue sa cage… Il fait vibrer le panier tressé de feuilles de cocos qui renferme des taros, des ignames et des kape.
Le groupe de jeunes a les yeux rouges, et un vieux, la taille enchâssée, dans un manu (paréo) coloré et une ceinture de fibres tressées, couronne de fleurs autour du cou, apporte la bouteille carrée. (Nom donné à bouteille de whisky). Ils s’encouragent avant de « ranger » les cochons.
Eux, ils ne boivent pas que du Kava!
La messe se finit. Les chants s’envolent vers le lagon, et les nattes de couleurs s’étalent sur le parvis de l’église. L’ordre est bien respecté. Devant, les … (ha mon dieu, j’ai oublié le nom) mais le peuple qui s’assoit sur les nattes attend le discours des chefs. Le tano’a (la vasque à kava attend son heure au milieu d’eux). Au milieu le katoaga (les cochons pattes en l’air et ventres farcis de taros) et derrière bien à l’ombre du falé, le chef du village entouré de ses « aides de camp ».
Le « peuple » reste tête nue au soleil, pas une femme dans l’assemblée, elles sont à l’ombre de la chapelle avec les enfants. Tout le monde est assis. Et ça ne m’arrange pas du tout. Je ne suis pas dans l’angle du tano’a. D’après un participant, je dois rester au niveau du sol. Peu importe, je me déplace, comme un serpent, pour tenter un meilleur angle!
Et la cérémonie du kava s’enchaîne.
Que de palabres!!!!
D’après la gestuelle, j’ai à moitié compris, qu’un « orateur » sous le falé à côté du chef, dictait l’ordre cérémoniel. Celui-ci est suivi par ceux qui tenaient le rôle d’Ofisa (les gardes suisses du la messe avec leur lance). Ils présentent le tano’a (la vasque) et les racines de kava au chef. Après des allées et venues, passant entre les « cochons pattes en l’air » et passant du falé où les chefs sont à l’ombre au parterre de nattes encombrées des hommes assis la tête au soleil, le maître de cérémonie confie le kava à trois hommes assis autour du tano’a. Les racines sont dépouillées et brassées dans le tano’a. Il en sort en jus de la couleur de la terre.
Lorsque le kava est prêt. Le maître de cérémonie apporte une coupelle de noix de coco au chef, qui goutte. A son _expression_, ses yeux plissés, et son nez pincé, ça passe par le gosier avec une certaine âpreté. Mais, il fait signe que le breuvage est digne d’être consommé. Et là, commence la distribution. L’orateur désigne un à un ceux qui sont dignes de recevoir la bolée de kava. Lorsqu’un nom est prononcé, le « dénoncé » tape dans les mains, pour indiquer que c’est bien lui. On lui apporte la coupelle, il boit. Le maître de cérémonie retourne à la vasque, on lui désigne un autre « honorable citoyen » et ainsi de suite… Tout cela dure une bonne heure, voire plus.
Pendant ce temps l’orateur, fait « sa messe ». Mais ce qu’il dit semble beaucoup plus réjouir son auditoire que les sermons du prêtre. Tout le monde s’esclaffe.
J’ai un léger doute en vous écrivant ces lignes… Et oui! Nous étions Dom et moi, non initiés, et les seuls « papalani » du coin. Il est probable que nous ayons commis quelques « bévues » protocolaires, sans pour autant manquer de respect à la tradition wallisienne.
En tout cas, nous avons assisté à un moment fort, très émouvant, et authentique de la vie wallisienne. Plus que les paysages, cette journée nous a permis d’ajouter à nos souvenirs des visages, des sourires, des échanges.
Voici deux rubriques de photos pour illustrer cette journée.
La première donne une idée de la messe
La seconde représente la cérémonie du kava.
A plus, pour d’autres clins d’oeil…
Nat et Dom
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