Seychelles, précurseurs en préservation de la Nature?

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

16 juin 2016

Bonjour,

Victoria est la plus grande ville des Seychelles, mais la plus petite capitale de l’océan Indien. Elle a des allures de Liliputienne en face de ses lointaines voisines que sont Singapour, Kuala Lumpur, Dubai … ou même de Port Louis, sa rivale. Pas besoin de voiture pour en faire le tour, une bonne balade à pied permet d’éviter les bouchons. Car malgré sa taille, elle souffre, elle aussi, de cette maladie endémique aux capitales : un excès de véhicules !

Victoria rassemble plus d’un tiers de la population de l’archipel (30 000 personnes), tandis que l’île de Mahé accueille 90% de la population globale de l’archipel. En 2018, on devrait recenser 100 000 Seychellois.

Pensez qu’il y a 272 ans, il n’y avait pas un chat sur ces îles ! Les tortues terrestres, maritimes, les lamantins, les perroquets et oiseaux de toutes les couleurs, et même une variété endémique de crocodiles batifolaient en toute quiétude !

histoire des SeychellesL’Histoire des Seychelles est récente. L’archipel fut sauvé de la présence humaine par sa position géographique, hors des grandes lignes maritimes. Il est probable qu’avant les Européens, les Arabes, les Mélanésiens et Indonésiens soient passés par là, mais aucune preuve n’existe, même si quelques textes arabes du neuvième siècle les évoquent. La première mention de l’archipel est faite par Vasco de Gama en 1502 qui leur donne le nom d’îles Amirantes. Un siècle plus tard, une expédition britannique rapporte quelques descriptions de rivages, effectuées par John Jourdan, William Revette et Thomas Jones. Ce sont les textes les plus anciens dont disposent les Seychellois sur leurs îles.

Le premier homme (en dehors des pirates, dont le célèbre La Buse) à s’intéresser officiellement à l’archipel se nomme Lazare Picault. De 1742 à 1744, il consacre son temps à l’exploration de Mahé et des îles environnantes. Il leur donne le nom de celui qui permit ses expéditions Bertrand-François Mahé de la Bourdinnais, gouverneur de la Réunion et de Maurice, nom que l’archipel perdra après la disgrâce du Haut Fonctionnaire, seul Mahé subsistera pour la plus grande des îles.

En 1756, le capitaine Corneille Nicolas Morphey est choisi pour prendre possession de l’archipel. Le 6 septembre, à bord de la goélette « le Cerf » il découvre une anse qui forme « le plus beau port qu’il eût jamais vu ». Il entreprend l’exploration de l’île qu’il juge impropre à l’établissement d’une colonie. Cependant, il vante l’intérêt qu’il y aurait à exploiter les bois en y installant : « 8 à 10 blancs, 100 noirs et 50 négresses ». Les îles prennent le nom de Jean Moreau de Séchelles qui n’est autre que le contrôleur général des Finances, sorte de Premier ministre de l’époque. Ils ont échappé au pire, imaginez un instant, ce qui se serait passé à l’époque de Talleyrand-Périgord ou de Vals… Auraient-elles reçu le toponyme de Périgourdine, ou de Valseuses? (rassurez-vous je ne vais pas égrener la liste entière de ceux qui se sont succédé entre le premier Premier ministre et le dernier en date!) Et si nous avons oublié Monsieur de Séchelles, tout le monde rêve à l’évocation des Seychelles qui gagnèrent un « y » par l’influence des Britanniques lorsqu’ils prendront, à leur tour, possession de l’archipel.

En 1756, personne ne s’installe sur les îles, la guerre de Sept Ans a complètement ruiné la Compagnie des Indes. Il faut attendre 12 années avant que de nouvelles expéditions s’organisent. En 1768, la flûte « La Digue » et la Goélette « La Curieuse » (qui donneront leur nom aux îles proches de Mahé) sont armées, à titre privé par Marion-Dufresne qui se souvient du rapport de Morphey au sujet de l’exploitation des essences, il compte en profiter! Un an plus tard, l’abbé Alexis Rochon, astronome, responsable scientifique d’une nouvelle exploration, révèle que la voie maritime passant par les Seychelles est plus courte de 800 lieues que l’ancienne route des Indes. Dans un contexte où la concurrence entre Français, Hollandais, Anglais est rude, la France décide de rentabiliser ces îles, espérant les ravir pour toujours à la couronne d’outre-Manche.

Entre 1770 et 1776 peu à peu des petites colonies s’installent. Tandis que les îles de l’archipel sont recensées, la colonie s’attèle à fournir du bois à bon compte à la France qui en a grand besoin pour ses vaisseaux, forteresses et nombreuses constructions.

Plan du Jardin de Pierre Poivre

Plan du Jardin de Pierre Poivre

Pierre Poivre, intendant de l’île de France (Maurice) de 1766 à 1772 est le premier à croire en une tout autre exploitation des Seychelles. Cela ne s’invente pas, Pierre Poivre s’intéresse aux épices, et devine que les Seychelles seront une place idéale pour les cultiver. En effet, elles se situent sur la même latitude que les îles de la Sonde, déjà exploitées pour les épices par les Hollandais dont ils tirent leur fortune sur le marché « européen ». Pierre Poivre brise ce monopole commercial en introduisant sur les Seychelles, mais aussi sur les îles Bourbon et de France (Réunion, Maurice) des saveurs telles que la cardamome, les piments, le gingembre, le giroflier, l’anis étoilé, l’avocatier du Brésil, la muscade, le poivre, la cannelle, le manguier, le mangoustan, le cacaoyer, le citron, la carambole, le corossol, la papaye, la goyave… Sa statue trône nom loin de la célèbre Victoria Clock, dans la capitale des Seychelles. De nos jours, le jardin du Roy, niché sur les hauteurs de l’anse Royale, est une reconstitution de l’oeuvre de Pierre Poivre. Ce jardin fourmille d’orchidées, d’arbres fruitiers, d’épices importées d’Inde et d’Indonésie, d’essences rares et autres plantes médicinales.

Mais l’installation des Hommes sur ces îles est préjudiciable pour la faune et la flore. Dès 1773, Lapérousse, de passage dans l’archipel, constate dans son livre de bord : « Les colons tuaient les tortues au lieu de mettre l’île en valeur. »

Les tortues ne sont pas seules à faire les frais de l’inconscience des premiers colons. À cette époque les eaux étaient peuplées de lamantins et de crocodiles. Ces espèces ont complètement disparu, il n’en reste que deux spécimens en carton-pâte devant le musée d’histoire naturelle de Victoria. Des témoins de l’époque racontent comme il est plaisant de tirer les oiseaux de toute sorte, de toutes couleurs. La faune n’est pas seule à souffrir de ce pillage, la flore se voit saccagée, dévastée, dévalisée.

Lamantin et crocodile des Seychelles

Lamantin et crocodile des Seychelles

Quelques témoignages de l’époque :
« Les Seychelles servirent de plus en plus d’escale de rafraîchissement aux négriers. Comme le dit un mémoire: « Le poisson de mer de toute espèce et celui d’eau douce y sont en quantité et principalement la raie, la sardine, le mulet, la carangue, la tortue de mer et de terre; les pigeons ramiers, les tourterelles … y sont si communs que pour la nourriture des Blancs et des Noirs ils n’ont besoin que de vin et d’eau-de-vie … »

« Les vaisseaux qui viendront sont assurés d’y trouver des vivres, volailles, cochons, tortues, cabris, aussi bien que des légumes ». Et pour désinfecter les « Nègres », un détail important: « le coco naturel peut être d’un grand secours quand on manque de vinaigre ». (extraits du livre d’histoire des Seychelles)

Articles de decrets Malavois

Articles de decrets Malavois

En 1786, Monsieur de Malavois débarque aux Seychelles avec pour mission d’arrêter le pillage des ressources naturelles de l’archipel ( « décrets Malavois »). Ces décrets sont présentés comme le point de départ des politiques environnementales dans l’archipel. Ingénieur et Géographe, il veille à ce que quelques règles élémentaires de préservation de la nature soient respectées. « Il reconnaîtra et indiquera les moyens d’arrêter la destruction des tortues de terre et de favoriser leur propagation. » Ainsi, il est interdit sans permission préalable de prélever les tortues terrestres ou marines, ainsi que le coco, ou le bois. L’attribution des terres et leur exploitation sont règlementées.

Mais peu de temps après ces bonnes résolutions, les Britanniques s’emparent des îles. Ils en prennent le contrôle permanent en 1814 à la fin des guerres napoléoniennes.

Je vous passe les détails « ennuyeux », de 60 ans de colonisation britannique où les Seychellois se trouvent sous gouvernement mauricien qu’ils apprécient peu. Et d’un survol de quelques décennies, nous voici déjà à la venue aux Seychelles du célèbre naturaliste, Darwin en personne !

Lorsque Charles Darwin débarque aux îles Seychelles, il pressent l’urgence de sauver ce qui pouvait encore l’être. Il compare les notes laissées par ses prédécesseurs et à ses observations sur le terrain. Il constate que bon nombre d’îles qui regorgeaient de tortues terrestres n’en comptent plus une seule. Par bonheur, quelques atolls éloignés échappent encore au carnage. Sur Aldabra, il retrouve une espèce de tortue géante. En 1874, le naturaliste suggère au gouverneur de l’île Maurice, qui administre aussi les Seychelles, de réintroduire la tortue terrestre sur Maurice, mais également sur l’île de Curieuse, voisine de Praslin. C’est une première mondiale, que ce transfert de population animale d’une île à l’autre, afin de les repeupler après une néantisation.

Enfin, nos amis chéloniens sont assurés de couler des jours heureux, sans plus craindre la prédation des Hommes. .

Mais, entre temps, beaucoup d’espèces d’oiseaux, les lamantins, les crocodiles endémiques, ainsi que nombre d’essence ont complètement disparu sous l’impulsion vorace des colons.

Suite de l’Histoire des Seychelles, dans le prochain blog.
Dans l’album ci-dessous, Victoria : son marché, la vie des rues, les jardins, les maisons créoles ou de style anglican, son cosmopolitisme (religion musulame, chrétienne, hindoue…). Après la vidéos vous trouverez les Références bibliographiques.

Nat et Dom sur les chemins du monde
Texte et photos Nathalie Cathala.
Auteurs des vidéos : Dominique et Nathalie Cathala, montages Dominique Cathala
Tous droits réservés, pour toute utilisation nous contacter par le site :
http://etoile-de-lune.net/accueil/index.php
Pour obtenir le diaporama, cliquez sur la première photo de l’album et faites défiler.


VISIONNEZ LA VIDEO CI DESSOUS

Références bibliographiques:
« Les Seychelles, Jean-Louis Guébourg, éditions Karthala
Contraintes insulaires et coloniales aux Mascareignes et aux Seychelles Jean François Dupon
Etude de Géographie humaine Honoré Champion 1977
TOURISME, POLTIQUE ET ENVIRONNEMENT AUX SEYCHELLES Jean-Christophe GAY
Le livre du Maître de l’Histoire des Seychelles, Jean Michel Filliot
Reconnaissance et prise de possession de l’île Mahé sous le nom d’île Seychelles par le Sieur Morphey en 1756 (Un manuscrit des Archives Nationales : A. N. Col C/4/145 Carton 86 n°17 )
http://www.pierre-poivre.fr/doc-72-1-30.pdf
« Unpublished Documents On the History of the Seychelles Islands anterior to 1810 »
(https://www.wdl.org/fr/item/2396/view/1/1/)

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