Majestueux Maido ! Epoustouflant Mafate !!!

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

13 juillet 2014

Bonjour,

Ce matin-là, nous nous réveillons tôt, un regard sur la météo nous pousse à dévaler notre colline de 450m des hauts de Saint Pierre, et à partir vers le nord pour gravir 2300 mètres et atteindre le sommet du Maido. Les guides nous conseillent d’arriver avant 10 heures, voire avant 8 heures, et peut-être même 6 heures du matin. Pourquoi une telle précipitation? À cause des nuages ! Le petit matin est propice pour se repaître d’une vue dégagée sur ce cirque dont les villages ne sont accessibles qu’à pied ou en hélicoptère. Au passage, le ballet des hélicoptères ne sert pas uniquement à approvisionner les Mafatais. Mais à promener ceux qui désirent s’offrir une vue d’ensemble de l’île. Par beau temps, cet endroit qui pourrait être le monde du silence par excellence, vrombit, bourdonne, ronronne… Est-ce un bien ? Est-ce un mal? J’ai entendu dire en créole : « ça énerver! » Je l’imagine sans peine, car dès les premières lueurs du jour, le ballet commence. Seule la venue des nuages arrête le trafic. Dans un pays où tout est interdit, où tout est règlementé, quelqu’un attend-il une loi de plus pour raisonner ce lucre? Impossible à dire. Et puis, on s’y fait. Et puis c’est aux insulaires à décider ce qui est bien pour eux.

La route qui mène au sommet est belle, très belle! dans le sens « bitumesque » du terme. Elle est sinueuse, très très sinueuse! Impossible de compter les virages, mais ils sont là, ils se succèdent serrés, brutaux, à vif, à flanc, en épingle à cheveux, spectaculaires, raides, successifs, parfois inattendus, ils méritent tous ces qualificatifs, et ne se négocient qu’à l’attention et la dextérité d’un chauffeur endurant!

Tout en haut, le panorama sur Mafate est magistral, époustouflant, grandiose, hypnotique. Des reliefs opulents, généreux en déclivités, la roche froissée, éboulée, effondrée. Les remparts dressés… Les versants sombres qui ne voient jamais le soleil sont là pour veiller sur un monde inexploré. Toute la panoplie topographique est ici réunie pour compliquer la tâche à l’épanouissement de l’homme, à son établissement. Et pourtant, plusieurs villages s’égrainent sur les plateaux. D’après une vieille dame qui y revenait après plusieurs années d’absence, la population croît d’année en année. Des candidats à la vie de Robinson des Montagnes!

Vue de ce plateau vertigineux qu’est le Maido, la population force l’admiration, intrigue, attise la curiosité des randonneurs les plus courageux prêts à dévaler les sentiers escarpés pour la rejoindre. L’installation de l’homme dans ce milieu hostile est si improbable! Et pourtant il est là!

Comment est-il parvenu au-delà de l’inaccessible?

Il a fallu pour cela des hommes désespérés. Des esclaves marrons. L’Histoire se répète, et j’ai peine à l’écrire avec un grand « H ». L’île est connue depuis le douzième siècle, personne n’a jamais voulu s’y installer avant 1649 où 12 mutins y sont « abandonnés », des Robinson en herbe, qui ne veulent plus partir de leur « prison » fut-ce t-elle volcanique !
L’installation de la France débute pauvrement en 1663 (on ne peut parler de colonisation, vu qu’il n’y avait personne avant !). Dès cette date les candidats à la bonne fortune s’installent, et pour faire leur « fortune » « engagent » des esclaves malgaches et d’Afrique. (…) L’histoire se répète, comme ailleurs, maltraités les esclaves ne pensent qu’à la liberté. Ben oui! Comment imaginer travailler comme une bête humaine? Donc au bout d’un certain temps de dur labeur sans espoir de vie meilleure, l’homme, la femme, les enfants, les familles pensent à « prendre le maquis ». Du moins celui qui est disponible sur l’île à l’époque appelée royalement « Bourbon »! Et ils fuient vers les montagnes! Il faut imaginer à l’époque qu’il n’y avait pas ces belles routes qui rendent accessibles ces cirques majestueux. Ils fuient dans les hauteurs au travers d’une végétation inextricable, sans vraiment savoir où ils vont! Il n’y a pas non plus ces fichus hélicoptères pour prendre des repères! Bref, ils découvrent un monde à eux. Au bout d’un chemin semé d’embûches, où beaucoup y ont laissé leur peau, ils parviennent sur des plateaux où ils dessinent enfin une vie nouvelle, autonome, libre, acquise durement! Pendant ce temps, les propriétaires terriens, les « patrons » furieux, engagent des pisteurs, des chasseurs de têtes qui ont pour mission de ramener le « gibier » mort ou vif, ou du moins une main gauche ou une oreille gauche, les points marqués sur la chair en tant qu’esclave. C’est gracieux!

L’histoire ne se finit pas là, à l’abolition de l’esclavage, les « Petits Blancs » ruinés dans les « Bas », rejoignent les Hauts, ils font « n’importe quoi » sur le plan écologique, privilégiant leur petite fortune du temps présent, pour ne pas craindre ce qu’ils laisseront demain à leurs enfants. Ils déboisent, ils accélèrent l’érosion. Il faut des années de négociation pour arrêter le massacre de la nature. Aujourd’hui, enfin chacun est conscient de son impact sur la nature, et tente de redresser la barre.

Les cirques qui aujourd’hui sont de hauts lieux de villégiature. Ils ont marqué par le sceau sanglant de l’Histoire humaine de la Réunion. Et … aujourd’hui, chaque esprit vit librement. Tout n’est pas oublié, mais la population réunionnaise ne vit pas dans la torpeur du passé. Elle vit ensemble! Car ceux d’aujourd’hui ne sont pas les auteurs des méfaits d’autrefois. Quel bel exemple, de « PARDON ! » … quel bel exemple de « vivre ensemble » ! Chapeau bas à la population de la Réunion qui serait un fer de lance de la notion de « vivre ensemble » dans ce monde. Qui est … une belle leçon à apprendre.

Nat et Dom dans l’Indien
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