VANUATU : l’art de la gastronomie ni-vane…

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

6 octobre 2012

Bonjour,

Aujourd’hui vous êtes gâtés, je vous offre deux blogs, dont celui-ci qui mérite que vous vous asseyez, que vous éteignez les appareils connectés au reste du monde afin de vous imprégner du quotidien du Vanuatu. Depuis 4 mois sur place nous avons vécu, par moment, à la locale. En ressort une observation des moeurs culinaires…

Les repas ni-vans sont indissociables de ce qui se passe dans ce qu’ils nomment ici « le jardin ». Il n’a rien à voir avec un jardin d’agrément où l’on fait pousser les fleurs par pur plaisir. Les fleurs s’ébattent d’elles-mêmes dans la nature, ou sont parfois « dressées » à former de jolies haies entourant les cases en bambou. Le jardin est à rapprocher du faa’apu des Polynésiens ou du potager des Occidentaux. Celui-ci n’est pas organisé. Lorsqu’un Ni-Van nous emmène dans « son jardin », nous avons plus la sensation de nous balader dans des sous-bois sans structure que dans un espace dédié à la culture vivrière. Tout pousse en herbes folles et nos hôtes ramassent ci et là, une racine, des feuilles, quelques fruits. Et la récolte se passe sans plus de matériel qu’une machette à la main et des feuilles de bananiers enroulées qui constituent de merveilleux cabas biodégradables. Pour la plantation, s’ajoute à la machette une branche épaisse taillée en pointe, qui leur sert de pioche ou de barre à mine. Si l’outil paraît rudimentaire, l’apprentissage de son maniement demande néanmoins du temps. Je m’y suis essayée avec une ni-vane qui n’avait rien à envier en muscles à ses compagnons masculins, et je me faisais l’effet d’un frêle « petit Poucet » sans compétence.

L’alimentation ni-vane tourne essentiellement autour de deux racines. Celles de l’igname et celles du taro, bases alimentaires de tous les peuples austronésiens. Lors de leur grand voyage depuis le continent asiatique vers les îles du Pacifique, les tribus emportaient sur leurs pirogues doubles ces tubercules, afin de les planter dès leur atterrissage. Jadis l’igname était la plante de prédilection des peuples du rivage. Tandis que ceux des montagnes, de l’intérieur des vallées et du bord des rivières privilégiaient le taro, amateur de terres gorgées d’eau.

Plus tard furent introduits la patate douce, le manioc, la banane et le fruit à pain, tandis que la coco se propagea d’elle-même au gré des courants, d’île en île. A ces tubercules et fruits amylacés s’ajoute le chou des îles ou ce que les Ni-Vans nomment : Island cabbage. Ce sont les sommités feuillues d’un arbuste à tiges fines. Il pousse dans les sous-bois ou sur les hauteurs que les bovins ne peuvent atteindre. Le cabbage est bouilli et rajouté à tous les plats locaux, il goutte la salade cuite.

Hors des villes où les citadins s’organisent à l’occidentale, la vie rurale s’articule autour d’un repas principal, généralement pris en fin d’après-midi, sans heure fixe et dicté par la faim ou le retour des travaux du jardin. Au cours de la journée, les Ni-vans s’arrêtent pour de nombreuses collations. Elles se résument souvent à des fruits glanés selon l’opportunité (papayes, caramboles, mangues, coco, corossols. Attention chacun respecte la propriété de son voisin, et sait à quelle famille appartient tel ou tel arbre. Les fruits étanchent la soif et calment la faim. Mais lorsque celle-ci ne se suffit pas de cette simple et naturelle pitance, les Ni-Vans improvisent un casse-croûte des plus originaux! Ils appellent cela le « snake lap lap » ou lap lap serpent.

Snake lap-lap ou l’encas le plus naturel pris sur le pouce…

Le lap-lap est la feuille d’héliconia. Elle sert à tout : plat de cuisson, assiette, sac de conservation de nourriture… Pour se faire un casse-croute, le Ni-Van n’a besoin que d’une machette, tout le reste se trouve à portée de main, offert par mère Nature. Il coupe du bambou, des brindilles et retire la peau de l’igname avec sa machette. Il coupe également une branche de natangora, arbre magique qui fournit par ses feuilles les toits des maisons, et par ses branches des rapes à légumes. En effet, les épines des branches permettent lorsqu’on y rape les ignames, bananes ou tout autres racine ou fruit d’en faire une purée. Celle-ci est rassemblée dans une feuille de lap-lap où lorsque l’igname est complètement réduit en purée, il sera assaisonné de lait de coco. La noix de coco est cassée à l’aide d’un coup de machette, la chair de coco est grattée sur un bout de bambou taillé en pointe acérée. Les copeaux sont pressés à la main, et rendent un jus laiteux. L’igname, mélangé au lait de coco est roulé dans la feuille de lap-lap à laquelle on donne une forme de flute qui est insérée dans les bambous verts. Ceux-ci sont placés sur le feu pendant quelques minutes. Puis en fin de cuisson, il suffit d’extraire la feuille de lap-lap du bambou, de la dérouler, il en ressort un serpentin d’igname au coco prêt à être dégusté.

Détail important, pour allumer le feu, pas besoin de briquet ou d’allumettes. Ces matériaux sont chers, et les habitants des îles reculées n’ont pas d’argent à consacrer à ce type de détail. Ils vont rarement en ville et 5000 vatus (50 dollars) leur suffisent pour vivre pendant 6 mois. Donc, nos amis font du feu à l’ancienne. Ils choisissent soigneusement une branche et des petits bâtons. Ils se mettent à califourchon sur la branche et frottent vigoureusement les bâtonnets, en moins de temps qu’il faut pour le dire, la fumée jaillit. Les bourres de coco animent la flamme. Elles sont placées sous les brindilles… Le feu est entretenu.

Les Ni-Vans en raffolent.
Ce repas est très nourrissant, mais (vous allez vous dire que je suis une indécrottable Occidentale!) il est dépourvu de toute saveur. En quelques bouchées l’on se sent aussi plein qu’un oeuf, incapable d’ingurgiter le serpentin dans sa totalité. Néanmoins, cela ne coupe pas l’appétit des Ni-vans qui se dépensent sans compter pour entretenir le jardin et ramener chaque jour de quoi nourrir toute la famille. Le jardin ne se trouve pas forcément autour des cases. Il se situe plus souvent à l’intérieur des terres, ou sur les hauteurs, car les animaux (bovins, cochons, poules, chiens…) vivent autour des cases et pourraient endommager le travail d’agriculture. Celui-ci est en général autarcique. Bien que sur les grandes îles, comme Efate et Santo, l’agriculture sert aussi à alimenter les marchés afin d’approvisionner les gens de la ville qui ont perdu leur jardin pour gagner un travail du secteur secondaire ou tertiaire.

Un Ni-van travaille en général 3 à 4 heures par jour pour nourrir sa famille. Les grandes familles possèdent aussi des cocoteraies, et fournissent du coprah, dont je vous parlerai dans une autre rubrique.

Revenons au repas principal.

Après une journée bien remplie à crapahuter par monts et par vaux, le repas de fin de journée, pris en famille est toujours composé de tubercules. Ils sont agrémentés de légumes de saison (souvent le cabbage). La viande et le poisson ne sont pas consommés quotidiennement.

Si les repas ordinaires sont répétitifs et riches en fibres et racines, les repas de fêtes sont orgiaques et les portions de viandes de cochon sont telles qu’elles en écoeureraient Gargantua en personne! C’est une pratique répandue dans tout le Pacifique. Des Marquises au Vanuatu, la viande de cochon est consommée lors des réunions importantes en quantités énormes. Le four enterré, appelé Humu aux Marquises et Vanuatu, ou Ma’a à Tahiti est aussi un dénominateur commun. Autre rapprochement qui ne se limite pas seulement au vocable, on parlera au Vanuautu tout comme aux Marquises de Kai Kai pour manger. Et lorsqu’on prépare un repas au four traditionnel, on parlera de Humu Kai Kai dans les deux contrées, séparées de 6000 kilomètres, mais la distance n’est rien lorsque les peuples tissent des affinités linguistiques et culturelles séculaires.

Le lap-lap accompagne invariablement tous les repas. Le nakira est une spécialité de Santo. Les tubercules sont pré-cuits ou bouilli, ils sont écrasés dans un grand plat en bois (en général, il est à peine lavé d’un repas à l’autre, ce culottage alimentaire étant des « plus ragoutants »(!) La purée obtenue au pilon est arrosée de lait de coco. Cette variante de préparation ne donne pas plus de saveur aux racines que les autres.

Cette nourriture riche en sucres lents fait des Ni-Vans une population bien portante. Pourtant, lorsque nous partons vivre dans les villages j’en reviens en général avec un voire plusieurs kilos (selon la durée du séjour) en moins. Cette nourriture insipide rassasie rapidement et lasse tant qu’elle m’ôte toute envie de manger. S’ajoute à cette inappétence, les conditions de préparation qui demandent un appareil digestif surentraîné aux attaques « bactéries naturelles »…

A plus pour la suite des photos de ce volet, que je ne peux vous envoyer en un seul coup…
Nat et Dom

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