Une tribu dans la ville

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

22 novembre 2012

Bonjour,

Peu avant notre arrivée en Nouvelle-Calédonie, nous entendions déjà parler de « la tribu dans la ville » de Nouméa. Nous étions à Port Vila, et là-haut, ces cases faisaient déjà un sacré « ramdam ». Puis, nous sommes arrivés sur « le caillou ». Nous pensions atterrir « un peu trop tard »… Dommage, nous amarrons notre Etoile à Moselle le 17 octobre, et les neuf cases représentant la maison commune et les huit aires coutumières avaient été installées pour la Fête de la citoyenneté du 24 septembre et devaient être démontées le 30 septembre.

Depuis que nous voyageons, nous avons appris qu’entre les deux Tropiques, le temps ne circule pas tout à fait au même rythme que dans les pays tempérés. Dans le Pacifique, il compte son propre chrono… et miracle, nous sommes mi-novembre, et les cases sont toujours à poste. Sauf deux d’entre elles qui ont suivi les prérogatives.

La place du Mwa Ka, est à deux pas de notre bateau, de sorte que nous passons par « la tribu », à chaque fois que nous allons au centre-ville. Je me suis fait un petit copain : Léopold. Qui étrenne ses talents de sculpteur en dehors des heures d’école. Il vient au chevet de sa famille qui sculpte à longueur de journée les linteaux des cases, les faîtes et tout cet art kanak que nous découvrons. Chaque archipel du Pacifique, chaque région présentent ses caractéristiques particulières dans son art. Les Kanaks taillent dans le bois des îles des figures anthropomorphes massives aux traits rudes.

La tribu s’est installée non loin du musée des arts kanaks et de l’énorme totem qui trône au centre de la place Mwa Ka. Il est lui-même composé de huit sections gravées représentant les différentes aires coutumières de l’archipel. Celui-ci a été conçu en 2005 pour commémorer l’annexion de la Nouvelle-Calédonie par les Français et symbolise l’esprit de l’accord de Nouméa de 1988, qui prévoit le transfert de nombreux pouvoirs de la France vers la Nouvelle-Calédonie. Mwa Ka signifie lieu des discussions, des palabres et ce totem représente un mât ou le poteau central d’une case. Les arrangements floraux de la place évoquent les étoiles et la lune, éléments indispensables qui ont servi aux premiers peuples à se guider sur le grand Océan avant de découvrir « le caillou ».

Ce totem a été érigé un 24 septembre, qui est à l’origine le jour de l’annexion de la Nouvelle-Calédonie en 1853. Ce jour n’était pas « jour de fête pour les Kanaks » bien au contraire. Mais l’érection de ce totem avait pour but de transformer un jour de tristesse, en commémoration de l’identité kanake et surtout de mettre à l’honneur la pluriethnie de l’île, sans oublier les racines du premier peuple, le socle sur lequel est érigé le totem est bâti en forme d’une pirogue double. Au centre du plateau, le barreur godille.

Une plaque en dit long sur les significations multiples de ce monument :
« … » Le passé a été le temps de la colonisation.
Le présent est le temps du partage par le rééquilibrage.
L’avenir doit être le temps de l’identité dans un destin commun. »

La Nouvelle-Calédonie a connu des périodes de troubles, des moments très difficiles. Nous ne sommes pas ici pour juger quoi que ce soit, mais pour ajouter à toutes les lumières d’ouverture le secret espoir que « cela marche »… pour le bonheur de tous. A chaque fois que nous allons à la tribu, nous sommes bien accueillis. Nous trouvons un intervenant qui nous explique leur démarche. Les autorités aimeraient que les cases soient démontées : « ce n’est pas leur place ». Tandis que le comité qui s’est créé leur tient tête. Ils nous disent : « le Mwa Ka, pour nous, c’est le grand-père, et la tribu, c’est la grand-mère ». Une façon de faire entrer les « ancêtres » dans la ville. Pourtant, tous les Kanaks ne sont pas d’accord que les cases s’installent pour de bon en ville. Certains disent aussi que « ce n’est pas leur place »…

Qui a tort?
Qui a raison?
Chacun défend sa vision de la citoyenneté, chacun se positionne selon son moyen d’_expression_.

L’histoire se termine un 13 novembre, à 4 heure du matin, les cases détruites au bulldozer par décision des autorités locales. Tout le monde a craint que cette décision fasse l’effet d’un coup de pied dans un nid de guêpes! Le comité s’est réfugié sous la protection du totem sur la place Mwa ka.

A suivre…

Nat et Dom

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