Plein les yeux ! – Sant Pere de Rodes_Sant Salvador de Verdera_Catalogne_Espagne

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

24 août 2023

La Serra de Rodes, un espace naturel stupéfiant de beauté, abrite le monastère de Sant Pere de Rodes, l’un des joyaux de l’art catalan. Nous sommes spectateurs chanceux (!) d’une richesse inouïe! Au sein d’une nature protégée, généreuse en panoramas somptueux, trois ensembles d’une valeur historique inestimable se laissent découvrir au cours d’une randonnée prolixe en surprises.

Symbiose parfaite entre paysage et  patrimoine

À chaque point de vue : un voyage infini

Le Cap de Creus se divise en plusieurs réserves naturelles, sa partie nord abrite la Serra de Rodes qui domine Port de la Selva. Dès notre arrivée et tout au long de la randonnée, nous savourons des panoramas sans limites.

Émotions intenses

D’un battement de cils, le regard s’envole vers l’ouest. Il caresse les courbes du massif des Albères et s’égare sur les sommets des Pyrénées. Il revient vers l’est et parcourt l’étendue azur de la Méditerranée. Il navigue vers le nord, passe au large du Cap Cerbère, s’aventure dans le golfe du Lion, et glisse vers le massif des Corbières. Il se ravise et revient en Espagne, il égraine le chapelet de villages blancs de la Costa Brava : Llança, Port de la Selva, Cadaquès… Il double le Cap de Creus et relâche dans les eaux étincelantes de la baie de Roses. La longue plage dorée s’étire en croissant de lune jusqu’aux îles Medes. Dans un sursaut de curiosité, l’oeil inassouvi s’élance vers les plaines du Sud, et grimpe à l’assaut des monts et vallées qu’il ne connaît pas encore. Il se perd à jamais dans l’envie de rester là, sur ce sommet qui lui offre plus qu’il l’eût espéré!

Fabuleuse machine à remonter le temps

En plus des panoramas, cette randonnée nous mène vers des sites d’une qualité historique incontestable. De sorte que nos chaussures de marche deviennent de fabuleuses machines à remonter le temps !

L’ensemble architectural permet de saisir l’essentiel des composantes de la vie au Moyen-Âge. C’est exceptionnel! Ici sont réunis les trois corps de la société médiévale :

  • Les « oratores » (ceux qui priaient) – le Monastère de San Pere de Rodes
  • Les bellatores (ceux qui combattaient) – le château de Sant Salvador de Verdera
  • Les laboratores (ceux qui travaillaient) – la cité prospère adjacente

Légendes ou vérités?

Les paysages fantastiques attisent l’imaginaire et façonnent les légendes.
Le Cap de Creus n’est pas en reste.

On raconte que le monastère se dresserait sur les fondations d’un temple mythique dédié à Vénus.

Il se pourrait aussi que le château de Verdera cache encore dans ses soubassements le Saint Graal. Tandis qu’une reine se serait jetée à cheval au bas de la falaise pour sauver son amour interdit.

Des nymphes d’eau peuplent, de source sûre (!) les grottes sous-marines.
(Contrairement à l’équipage d’Ulysse, j’y prêterai l’oreille lors de mon prochain escapad’dle).

Faut-il le croire ?

En 608, le pape Boniface IV, désireux de sauver les reliques précieuses des griffes avides de l’envahisseur perse et babylonien, aurait ordonné de les emmener au Cap de Creus. Une grotte de la région abriterait la tête et le bras droit de l’apôtre Pierre, les corps de martyres renommés et une fiole contenant le sang du Christ. La cachette devait être excellente, car lorsque les religieux vinrent rechercher leur trésor, ils ne le retrouvèrent jamais. La première pierre du monastère aurait été posée, en 612, à l’endroit de leur quête désespérée.

Il faut le croire !

En 1989, 658 pièces, dont 348 en or et 310 en argent ont été retrouvées dans le sous-sol de la maison dite de l’abbé. Les pièces patientaient depuis 450 ans dans une jarre d’apothicaire en céramique. La plupart ont été frappées au XIVe siècle, les plus récentes datent de 1520-1530. Toutes sont issues de royaumes chrétiens prestigieux : Barcelone, Majorque, Castille, Portugal, France, Italie, Hongrie, et Rhodes…

Serait-ce là le butin d’un pirate qui aurait endossé la soutane ?

La réalité dépasse parfois toutes les légendes !
Ce trésor archéologique est conservé au musée national d’art de Catalogne. Par les effigies qu’elles représentent, elles font avancer la science historique en matière d’habillement et de symboles du pouvoir de l’époque.

La cité prospère

Nos pas nous mènent d’abord au coeur du village de Santa Creu. Cité fortifiée, elle était le passage obligé vers le monastère. Bâtie sur une esplanade stratégique, elle contrôlait la façade nord du Cap de Creus. L’église qui domine la place centrale est mentionnée en 974 sous le nom de Santa Creus.

Dès le XIIe siècle, des maisons entourent l’église. Le village s’agrandit à l’ombre du monastère. Il accueille des foires et des marchés. Tous les corps de métiers y sont présents : notaires, tailleurs, boulangers, forgerons, aubergistes … Tous offrent leurs services aux pèlerins qui affluent vers le monastère. Les habitants versent une redevance à l’abbaye, ce qui, d’une part, l’enrichit et d’autre part donne droit de vivre et de travailler sur le domaine des Bénédictins.

La cité connaît son apogée entre le XIIIe et le XIVe siècle. Le XIVe siècle est une période particulièrement dure pour la région et l’Europe. La peste noire fauche des vies, le système féodal vacille et les guerres minent la cité. Au bout de 300 ans de prospérité, le village est déserté.

En revanche, l’église garde sa superbe et se reconvertit en ermitage qui prend le nom de Santa Helena, afin de perpétuer le culte de celle qui découvrit, selon la tradition, la croix du Christ. Dès lors, les habitants des environs se réunissent régulièrement dans ce sanctuaire de montagne. La dernière célébration a lieu le jour de la Sainte Croix en 1880, puis Santa Helena devient jusqu’à la fin du XXe siècle (le début de la restauration du site), un refuge pour les troupeaux et leurs gardiens.

Centre de foi, de pouvoir et de richesses

Les premiers écrits attestant de l’existence du monastère datent du IXe siècle (878). Au Xe siècle, l’abbaye est considérée comme la plus importante du comté d’Empuries. Elle accueille les pèlerins de tous horizons et jouit de la protection des nobles de la région.

Sant Pere de Rodes tire sa richesse de ses domaines terriens et maritimes cédés par la noblesse d’Empuries contre « quelques indulgences ». À l’époque, la Serra n’est pas le pays de cocagne que l’on connaît aujourd’hui. Il est riche d’une végétation abondante. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le monastère, entouré d’un véritable jardin de vignobles, génère des revenus considérables. Outre ses territoires fertiles, il dispose des richesses de la mer telles que la pêche, l’exploitation du corail rouge et aussi le droit sur les naufrages!

Rien ne résiste au temps, et aux affres de la piraterie ou des guerres incessantes. Après mille ans de vie monastique dans la Serra de Rhodes, les moines quittent les lieux devenus peu sûrs en 1798.

Un château pour couronner le tout

La première mention du Castrum Verdera date de 904. Il est remanié maintes fois. L’église Sant Salvador perchée sur le sommet à 670m d’altitude voit le jour au XIe siècle (première mention en 1130). Au XIIIe siècle le château de Verdera, piloté par les comtes d’Empuries, est aménagé de telle sorte qu’il présente toutes les qualités stratégiques et militaires nécessaires en ces temps troublés du Moyen-Âge.

Des siècles de revirements et de bouleversements

Tour à tour, la noblesse et les moines se disputent la propriété du château. Il passe aux mains des Français en 1285. Il revient dans le giron de la couronne d’Aragon six mois plus tard… Querelles et controverses jalonnent son parcours jusqu’en 1474, où la noblesse le cède définitivement au monastère. Il perd son statut militaire, mais garde un rôle essentiel de vigie pour toute la région.

Jusqu’à la fin du XVIe siècle, le quotidien de la région est rythmé par les alertes lancées par les guetteurs du château. Les villages environnants peuvent ainsi se préparer contre toute attaque maritime ou terrienne.

Aujourd’hui, les remparts, tours de défenses et échauguettes, sont la partie la mieux conservée du château. On devine les dimensions impressionnantes de la structure (1800m²).

Et surtout, nous jouissons d’un panorama exceptionnel. Il incite à la méditation, à la contemplation, sans plus aucune envie de redescendre vers … un quotidien contemporain.

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Les Vidéos de Dom

Sur YouTube, dans sa playslist consacrée à l’Espagne, Dom vous emmène en voyage: Espagne
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À bientôt, pour d’autres voyages dans « l’espace » terrien ou dans le temps
Avant de partir, vers d’autres horizons, n’oubliez pas de me laisser vos impressions dans la zone « Commentaires » au bas de la page.

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2 Commentaires

  1. dom

    Que de choses apprises à lire ce blog sur ce lieu magique alors que je m’y suis rendu je m’aperçois que je suis passé à côté de plein de trucs, il faut que j’y retourne c’est sûr. Mais j’irai avec un détecteur de métaux car il doit bien rester quelques pièces à découvrir…

    Réponse
    • Nathalie Cathala

      Oui, je me suis dit pareil. Non pour les pièces, mais pour tout ce qu’on voit en passant à côté, sans toujours comprendre sur place. J’y retournerai c’est certain, avec un oeil différent !

      Réponse

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