Les défis de Rodrigues

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

19 avril 2016

Bonjour,
Je vous parle toujours du lagon de Rodrigues, et même s’il est deux fois plus grand que l’île en elle-même, il n’est pas seul à conquérir le coeur des visiteurs. Il règne sur Rodrigues, une ambiance particulière, un rythme suscité par le caractère même des Rodriguais. Voici une population qui se montre à la fois discrète, prudente et réfléchie face au tumulte du reste du monde. Une leçon à (ap)prendre !Campagne au bord du lagon_Rodrigues (3)

Beaucoup de pays visent le développement par le tourisme. La manne qu’il apporte, est souvent considérée comme une providence, l’est-elle vraiment? Est-ce une bonne chose d’ouvrir les vannes des devises étrangères sur ces populations qui finissent par perdre leurs terres, leurs traditions, leur mode de vie ? L’industrie du loisir et du tourisme est devenue boulimique à grande échelle et se gère sans aucune réflexion sur le devenir des habitants et de ce qu’ils en retireront EUX-mêmes, à long terme.

L’échange entre les peuples est un bien, il développe l’esprit de tolérance. Voyager en quête de découverte pure et saine est un bien. Malheureusement, nous voyons pousser partout des panneaux qui invitent au « High Standing, High luxury ». Ils cachent le désir de parquer les visiteurs dans des « ghettos de riches » afin de mieux dissimuler l’écart entre les niveaux de vie locaux et étrangers. Ils incitent les hôtes de passage à rester derrière des murs sécurisés au lieu de s’ouvrir au peuple qui les accueille. Combien de fois avons-nous entendu des « touristes » nous dire au retour de leurs vacances qu’ils n’avaient pas quitté l’hôtel. Nous avons vu également du personnel hôtelier dissuader leurs clients de s’aventurer hors de l’enceinte, pour des raisons de « sécurité ». Aucun pays ne devrait développer de tourisme « de masse », sans avoir d’abord consulté la population, sans avoir réfléchi aux dommages collatéraux.

Lorsque je regarde l’évolution de Rodrigues, et lorsque je lis, ou j’écoute les questions des Rodriguais concernant leur avenir, je me dis qu’ils ont pris de la graine de tout ce qui se passe ailleurs, et tentent d’en tirer les leçons pour ne pas commettre les mêmes erreurs.Arret de bus_Rodrigues (4) La population désire attirer les touristes, mais… pas à n’importe quel prix, pas au risque de perdre leur authenticité. Ils ne se montrent pas « gourmands » et ça se ressent au quotidien. Nous ne sommes pas la visée d’intérêts particuliers, nous ne nous sentons pas comme « des porte-feuilles sur pattes », sollicités à chaque coin de rue, pour acheter un souvenir « made in China ». Si quelqu’un a envie de nous adresser la parole, à l’arrêt du bus, au cours de balades, ou dans la ville, il le fait, sans aucune arrière-pensée intéressée. Il laisse le visiteur libre de s’intégrer ou de s’isoler, à sa guise. Les habitants cultivent un bien devenu rare : « la liberté du voyageur »…

Ils offrent ce qu’ils ont désiré pour eux-mêmes!

L’apparente tranquillité de Rodrigues cache un caractère trempé, volontaire, presque mutin des habitants qui ne s’en laissent pas compter facilement!Ambiance Port Maturin_Rodrigues (7) Depuis le 21 novembre 2001, Rodrigues a obtenu de l’Assemblée nationale le statut d’île autonome. Ce fut un combat incessant depuis 1967, année durant laquelle l’île Maurice choisit à 54% d’être indépendante face à la couronne britannique, tandis que les Rodriguais eux, désiraient rester sous le joug du Royaume uni à 90%. Ce véto mauricien n’a pas vraiment été accepté par les Rodriguais. Ils n’ont eu de cesse de se détacher de l’autorité de leur voisine. Ils s’obstineront pendant deux ans à garder l’Union Jack, refusant de laisser flotter le drapeau mauricien sur leur île. L’île mène, encore aujourd’hui, un combat permanent pour faire valoir son droit à la différence.

Différente, elle l’est!

Si ses deux soeurs sont cosmopolites par le nombre de religions et de cultes observés, Rodrigues est métissée et unie par la religion catholique. L’Église catholique rassemble 97% de la population (3% de la population est, soit protestante, soit Musulamane, les migrants chinois ont pour la plupart adopté la religion catholique). L’île s’enorgueillit d’avoir accueilli le pape Jean-Paul II et de couver au coeur de ses monts et vallées l’une des plus grandes cathédrales de l’océan Indien, pouvant accueillir plus de 2000 fidèles. Ambiance de Rodrigues (6)L’autonomie a été votée sur un plan gouvernemental, mais Rodrigues a également obtenu de se détacher du diocèse de Port Louis, pour s’élever au Vicariat apostolique, statut qui permet à l’Évêque de Rodrigues d’être sous l’autorité directe du Pape.

La population rodriguaise chérit l’esprit de famille et d’entraide. Cette disposition s’est matérialisée dans la manière même dont la cathédrale fut bâtie entre 1936 et 1939, chacun sur l’île apportant son aide à la construction de l’édifice. Encore récemment, lors des restaurations, la population a montré sa force de travail et de ralliement autour d’un projet qui leur tient à coeur.

Ambiance de Rodrigues (8)Les Rodriguais assument leur entrée dans le 21e siècle la tête haute. Ils ont su préserver leurs valeurs et l’authenticité de leur île. Ils sont conscients des défis à relever pour que leur avenir ne soit pas mis en danger. L’évolution apporte son lot de questions. Entre autre, le problème récurrent du traitement des déchets, celui-ci se pose partout dans le Monde, mais à l’aune d’une petite île, il demande de ne pas être pris à la légère, et les associations se dressent déjà aux quatre coins de l’île pour trouver des solutions. La population a doublé depuis 1970, et l’eau que le ciel ne dispense pas aussi généreusement que sur les îles voisines devient un problème elle aussi…

Gageons que l’île de Rodrigues s’attache, comme elle l’a toujours fait, à élucider les mécanismes complexes qu’apporte l’inévitable mondialisation.

Nat et Dom sur les chemins du monde
Texte et photos Nathalie Cathala.
Auteurs des vidéos : Dominique et Nathalie Cathala, montages Dominique Cathala
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