Résumé : Aujourd’hui je vous emmène au pays de toutes les contractions… et donc aux confins d’une forêt qui survit dans le désert pour effectuer un véritable voyage dans le temps en compagnie du plus gentil des fossiles qui va nous révéler les secrets les mieux gardés de notre belle Planète!
Bonjour,
Nous quittons la terre des lions du KTP pour rejoindre le royaume de Giel, un vieil homme qui a tant de choses à nous raconter! Nous avions pris l’habitude d’aiguiser notre regard afin de repérer les animaux. Aujourd’hui seule une tortue léopard traverse la piste. Nous lui cédons le passage et l’accompagnons de façon à ce qu’elle ne se fasse pas écraser. Quoique cette précaution n’est pas utile, nous croiserons peut-être une autre voiture sur les 225 km qui nous séparent de la prochaine escale.
Nous empruntons la D 511 : le Kalahari version montagnes russes!
Nous traversons quelques villages. Aux abords de ceux-ci le désert si « propre » partout se jonche de plastiques et détritus. Les villages sont sertis de deux, voire trois rangs de barbelés, grillages, et autres barricades. Belle revanche de l’animal,car ici l’Humain vit « enfermé », remparé contre la nature qui peut se montrer gourmande. N’oublions pas qu’à quelques kilomètres à peine, nous observions léopards, lions et autres prédateurs habiles en toute liberté! Ces derniers n’ont nul besoin de signer de formalités pour gambader en dehors de la « réserve ». Ils vont et viennent à leur guise. L’humain quant à lui se protégera comme il pourra.
Pendant deux heures le relief se tasse, les villages n’apparaissent plus, la piste se fait longue et monotone. À l’approche de Keetmanshoop, le paysage redevient attractif, ou plutôt étrange, sombre. Les bords de la piste nous font penser à un volcan, une mer de cendres, mais il n’y a pas eu dans les parages d’activité volcanique ou explosive.
Nous finissons la journée au milieu de nulle part… J’imagine que si Giel lit ces lignes, il dira « chez moi? Nulle part? » Giel est le maître d’un terrain de 75 km². Sa demeure se situe non loin de la route. Par contre pour rejoindre l’aire de camping, il faut s’éloigner de la piste principale, pénétrer dans les terres, passer plusieurs barrières… Aux confins du territoire nous trouvons quelques arbres qui abritent des nids de républicains sociaux et un espace fabriqué en pierre qui figure les « commodités ».
Aucun souvenir, aucun repère ne nous viennent en aide pour étayer un quelconque rapprochement avec quoi que ce soit de « déjà vu ». Les lieux sortent tout simplement de l’ordinaire !
Sous un ciel chargé, nous découvrons des amas rocheux qui ressemblent à d’anciennes ruines antiques surplombées d’arbres aux formes insolites. En réalité, il n’y eut jamais la moindre construction humaine ici. Seuls l’érosion, les aléas climatiques et les hasards de la nature sont à l’origine du paysage.
J’avoue ne pas arriver à déterminer si ce que je vois est « beau ». L’étrangeté vit au coeur d’un silence qui ne sera perturbé que par les allées et venues des républicains sociaux qui construisent leurs nids immenses dans les branches des rares arbres. Des Damans (sortes de marmottes du désert) nous observent dans l’ombre des pierres.
Après avoir installé notre tente, nous quittons le camp, à la découverte de cet endroit déconcertant. Notre seule arme sera notre bâton de randonnée. Et nous réalisons que depuis le début de cette aventure il y a 11 jours, c’est la première fois que nous nous offrons le luxe de partir en randonnée. Depuis le début, le risque encouru par la faune ne nous le permettait pas.
Au fil de notre balade nous découvrons celui qui domine tout le paysage ! l’Aloe dichotoma (Arbre aux carquois, faux dragonnier). C’est une espèce végétale originaire des déserts pierreux d’altitude du nord de l’Afrique du Sud et de Namibie. Son nom vernaculaire est « Kokerboom ». En Afrikaans, le mot Koker signifie carquois, et « boom », arbre.
Les Bushmen confectionnent des carquois (étuis) pour leurs flèches en évidant les « branches ». Il n’y a pas d’usage alimentaire, car sa sève est toxique.
Cette plante herbacée vivace succulente présente un feuillage persistant. Avec l’âge, la plante prend une forme arborescente, d’où son nom d’arbre. Les plus grands atteignent 9 mètres de hauteur. Certains spécimens affichent l’âge impressionnant de 300 ans. Son tronc fibreux couvert d’une écorce écailleuse et ses feuilles stockent l’eau et la nourriture nécessaires à sa survie sous forme de sucs.
Les feuilles sont épaisses, coriaces, charnues, disposées en spirale de façon alternée, l’ensemble ressemble à un bouquet d’aloès. En vieillissant et en tombant, elles laissent apparaître un tronc annelé.
L’Arbre à carquois est une plante hermaphrodite qui fleurit pour la première fois en hiver entre sa 20e et 30e année (il y a des témoignages attestant d’une floraison plus précoce vers l’âge de 10 ans).

Avec l’âge cette plante herbacée prend une forme arborescente, ce qui lui confère le nom d’arbre, alors qu’il n’en est pas un au sens botanique du terme. Celui-ci abrite un nid de républicains sociaux
Depuis 2001 le désert namibien voit un nombre anormal de Kokerboom succomber aux températures moyennes en hausse. En 2010 l’aloe dichotoma a rejoint la liste funeste des dix espèces les plus affectées par le changement climatique (il côtoie désormais l’ours blanc, le béluga, le manchot empereur…). Selon Wendy Foden de l’Unin pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (IUCN) « l’arbre-carquois est connu pour sa tolérance à la sécheresse et sa longévité, mais il pourrait avoir atteint ses limites. »
Il est grand temps de rejoindre notre campement, le soir tombe. Il n’y a pas un humain à des kilomètres à la ronde. Cette solitude si absolue revêt l’étoffe de l’espoir. Et soudain, comme pour souligner toute la fantasmagorie du lieu, le ciel s’embrase.
Le soleil nous offre en partant vers d’autres horizons un spectacle digne d’aurores boréales.
Un fossile charmant
L’endroit où nous logeons se nomme le « Mesosaurus-camp ». Lorsqu’on cherche le mot « MESOSAURUS » l’encyclopédie Universalis nous livre cette définition: « Reptile aquatique primitif, trouvé à l’état fossile dans le Permien inférieur (270 à 300 millions d’années) d’Afrique du Sud et d’Amérique du Sud. »
Giel, le propriétaire des lieux, nous raconte toute son histoire. Il y a 25 ans, par hasard, son fils découvrit un fossile. Giel se passionna immédiatement pour ce bout de caillou. Il investit toute son énergie à fouiller les quelque 75 km² de son domaine. À l’énoncée de cette superficie, nous sommes ébahis. Mais « pas de quoi! » nous lance ce patriarche, je suis le plus petit propriétaire terrien des alentours!
Giel s’en fiche, sa richesse, il la trouve dans un trésor qui a empreint, il y a plus de 250 millions d’années, chaque caillou de son royaume. Il se désigne lui-même, comme le plus jeune fossile de sa propriété. Et sans plus attendre, il nous entraîne aux confins de la géologie, là où la Planète vivait paisiblement sans Humains, sans continents prédéfinis.
Il y a 250 millions d’années, durant le système géologique nommé « Permien », des reptiles se réadaptèrent au milieu aquatique. Milieu qu’ils avaient quitté une bonne centaine de millions d’années plus tôt à la lisière entre le « Dévonien » et le « Carbonifère ».
Je sens qu’il ne sera pas inutile de nous rafraîchir la mémoire, et de donner quelques petits repères géologiques. Ce que l’on nommait « l’ère primaire » est le « Paléozoïque » qui s’étale sur une durée de 288.8 millions d’années entre -541 et -252,2 millions d’années. Aux tous débuts de cette ère, le biotope se limitait aux bactéries, algues et éponges. À la fin du Paléozoïque, le biotope est riche de nombreuses espèces animales et végétales: poissons, grandes forêts, plantes primitives (qui deviendront les couches de charbon modernes), les premiers animaux dotés de poumons apparaissent en milieu de période. Les premiers reptiles et plus largement quelques tétrapodes enrichissent notre belle Planète les uns sortant du milieu aquatique qui était le seul en début de période qui abritait la vie, les autres entamant une adaptation à l’air libre sur terre, d’autres encore revenant vers les océans après un passage plus ou moins long sur la terre ferme.
Cette ère générique est divisée en 6 périodes, le Cambrien, l’Ordovicien, le Silurien, le Dévonien, le Carbonifère, et le Permien. Ce dernier nous intéresse, car il vit nos Mesausorus retourner à leurs premiers amours : l’eau !
« Mesosaurus vivait dans des lacs et des étangs d’eau douce. Allongé et mince, il mesurait environ 1 mètre de longueur. Son crâne et sa queue étaient longs et étroits. L’animal se déplaçait sans doute par ondulations dans l’eau grâce à sa queue. Il se nourrissait de petits crustacés et d’autres proies qu’il capturait avec ses mâchoires pourvues de nombreuses dents allongées, fines et pointues. Ses côtes étaient épaisses et en forme de banane, servant peut-être à renforcer la cage thoracique pendant la plongée. »

Le point rouge sur l’Afrique figure le territoire de Giel et le royaume du Mesosaurus, en face sur les côtes d’Amérique latine les mêmes fossiles ont été découverts!
Régulièrement le champ de fossiles de Giel est visité par les scientifiques des Universités de pays voisins, voire de paléontologues américains ou européens qui cherchent des preuves à la grande hypothèse de la dérive des continents. En effet, le site de Keetmanshop situé au coeur de la Namibie abrite des fossiles qui sont en tout point identiques à ceux retrouvés au Brésil!
Pas étonnant que le regard de Giel brille des mille feux de la passion pour ses découvertes!
En effet, le Mesausorus ne présentait pas les aptitudes des grands mammifères marins actuels capables de traverser des océans. Trouver des fossiles identiques sur les deux continents renforce la thèse selon laquelle, au Permien, l’Amérique et l’Afrique faisaient partie d’un super continent baptisé le Gondwana. La distribution des mésosaurus en est le premier indice.
C’est avec un pincement au coeur que nous quittons cet endroit si spécial et son hôte. La piste nous appelle déjà vers d’autres horizons.
BONUS PHOTO

Même si parfois la piste est longue… Le décor du Kalahari est somptueux dans ses dégradés d’ombres et de lumières

Première randonnée permise en Terre de Namibie, depuis le début du voyage, le risque encouru par la faune ne nous permettait pas de nous éloigner du camp.

Non, Giel ne nous envoie pas balader ! Il nous explique le carquois, et comment l’homme du bush le porte
Retrouvez Giel, ses fossiles et sa musique sur notre chaîne YouTube :
A bientôt,
poursuivons ensemble l’Aventure en Afrique
Nat & Dom
Texte et photos Nathalie Cathala.
Auteurs des vidéos : Dominique et Nathalie Cathala, montages Dominique Cathala
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Sources bibliographiques
Wikipedia
https://www.universalis.fr/encyclopedie/mesosaurus/
http://www.rfi.fr/contenu/20100108-larbre-carquois-namibie-souffre-lenvolee-temperatures
http://www.quelleestcetteplante.fr/especes.php?genre=Aloe&variete=dichotoma
Une magnifique ballade en Afrique avec de la documentation toujours intéressante et pleins de photos. MERCI de nous en faire profiter. Bravo à vous deux, de vrais aventuriers avec toujours un regard bienveillant sur les hommes et l’environnement. Votre site nous permet de voyager non seulement en voyant de belles photos mais en apprenant aussi … on attend la suite … beaucoup de travail tout ça sûrement!! Cordialement
Merci Monique, de ton commentaire très encourageant pour notre travail de partage
Nom erroné sur commentaire précédent …
Paysages extraordinaires, sublimes photos et récit !!! Giel une belle rencontre, une aventure hors du commun… MERCI
Oui Dany, on a eu quelques rencontres, rares en Namibie!
Bonjour mes amis, c’est vraiment magnifique. Grand merci pour ce beau voyage
Monica
Coucou Monica, merci de ta visite, et de commentaire, encore plein d’articles à venir sur la Namibie, si riche en aventures
Un très beau voyage à travers ce beau pays ..merci ..tout est beau ..