Il ne faudrait jamais bousculer les souvenirs d’enfance
Dans l’Est varois, tout près de Cannes, aux confins des Alpes-Maritimes, entre le massif de l’Estérel et celui de Tanneron, se niche le lac de Saint-Cassien. Il s’entortille, et se courbe pour s’étaler sur 4 communes : Tanneron, Montauroux, Callian et Les Adrets de l’Estérel. Ruisseaux et rivières, aux noms typiques l’alimentent en ses quatre points cardinaux :
- Au sud les eaux de Maraval et de Fontesante
- A l’est le Riou Fer
- A l’ouest l’Ermite, la Camiole et le Biançon
- Au nord la Siagne par un canal de dérivation.
Lac de Saint Cassien
Depuis Saint-Raphaël qu’il est agréable de traverser les Adrets pour rejoindre le terrain de jeu de mon enfance. Nous nous régalons des paysages de garrigues, du relief varié et magnifique, de la vue sur le mont Vinaigre. La route en ce petit matin dominical de juillet est calme. Seuls les vélos s’échauffent dans les grimpettes. Il faudra que nous y revenions, nous n’avons pas trop trouvé le moyen de nous arrêter pour capturer ces paysages encore très préserver.
En chemin, nous devisons Dom et moi. Dom me raconte qu’il y faisait du pédalo, il y a « XX » années avec ses soeurs. Je me souviens y avoir tiré mes premiers bords en planche à voile. De lacets en virages, nos souvenirs remontent à la surface. Je me rappelle de cette eau turquoise et calme, comme une oasis au coeur de la garrigue.
Dans nos souvenirs, le lac était serein, vierge, translucide
Enfin, il est là!
Après ces longues années de séparation, il reste caché derrière l’épais manteau de chênes verts et de pins parasols. Un parking nous accueille, nous descendons un petit chemin et là … Stupéfaction ! Nous tombons mal! Nous aurions dû nous annoncer.
Il est tout en désordre, il n’a pas fait son « ménage » semble-t-il. Sur son pas-de-porte gît un véritable « dépotoir » aquatique. Invités à l’improviste, nous sommes gênés de notre intrusion et de le voir en cet état. Nous avons la sensation d’avoir saisi au saut du lit, une belle dame qui n’a pas eu le temps de faire sa toilette.
Sur la pointe des pieds, nous nous éclipsons. Nous tentons notre chance plus loin, mais les parkings sont pris d’assaut, les « plages » sont bondées. Nous n’avons d’autre choix que de prendre de la hauteur, pour saisir une perspective qui se rapprocherait des souvenirs d’antan.
Les rives que je devine au loin, encore préservées, font partie de la réserve biologique de Fondurane . Elle abrite, paraît-il, une grande variété d’oiseaux et une flore qui héberge encore le Faux Chêne Liège et du Chêne chevelu. Nous voici rassurés et nous accrochons notre regard sur l’émeraude étincelant de ce bout de lac aux allures encore sauvages. Il est si vaste, qu’il faut lui laisser des rives inaccessibles. Cela le préservera des liesses estivales.
Nous apprenons plus loin qu’il est important de sauver ce lac … Nous sommes d’accord ! Mais pas pour les raisons que nous imaginons. Un projet de déchetterie (ou pôle multifilière visant à réceptionner, trier et valoriser les déchets du BTP) est prévu en surplomb du lac. Les habitants se mobilisent contre cette hérésie environnementale qui empoisonnerait l’eau potable qui alimente les villes côtières.
Un petit détour vers le Ve siècle
Le lac a pris le nom de Jean Cassien († env. 435)
Jean Cassien tout comme les habitants qui se battent pour préserver l’envirronnement fut le porte-parole d’ascètes provençaux qui se dressaient contre « des outrances » de l’augustinisme.
Au moment où Saint Augustin lâche son dernier soupir le 28 août 430, l’Empire romain d’Occident a amorcé son déclin. Pourtant, le sud de la Gaule demeure un îlot de culture dans lequel s’exerce une intense activité intellectuelle et spirituelle, concentrée tout particulièrement dans les monastères de Provence. Les figures de proue de cette culture sont Jean Cassien, Julien Pomère d’Arles, Claudien Mamert de Vienne, Vincent de Lérins, Salvien de Marseille.
A gauche une représentation de Saint Augustin, qui prônait l’action et la grâce de dieu pour le salut des humains.
A droite Saint Cassien porte parole d’un semi-pelegianisme, il pensait que l’homme pouvait par ses actions atteindre son salut.
Deux courants de la chrétienté qui s’opposèrent, et qui aujourd’hui trouvent un terrain d’entente. Saint Cassien étant l’un des pères de l’orthodoxie
Jean Cassien fut l’abbé de Saint-Victor de Marseille, et l’auteur d’ouvrages qui animèrent une polémique longue d’un siècle dans le milieu monastique. Jean Cassien affirmait que Dieu et l’homme, la grâce et le libre arbitre coopéraient pour sauver l’homme pécheur. En d’autres termes : l’homme était l’auteur de son salut.
Tandis que Saint Augustin et ses disciples affirmaient que ceux qui n’avaient pas été, de toute éternité, mis au nombre des élus ne pouvaient qu’en vain s’efforcer de multiplier les efforts et les bonnes œuvres. Aux yeux des moines provençaux ce point de vue, qui reposait uniquement sur la grâce divine, encourageait au relâchement des efforts humains pour parvenir au salut.
Bien que condamnée lors du deuxième Concile d’Orange en 529, la doctrine des moines provençaux est considérée aujourd’hui comme tout à fait acceptable par bon nombre de théologiens catholiques qui font d’ailleurs remarquer qu’elle est conforme à celle de l’Église orthodoxe. L’Orthodoxie vénère en effet les saints Jean Cassien, Vincent de Lérins et Fauste de Riez, comme des Pères de l’Église authentiques.
ai tout lu consciencieusement, très bien écrit, moi je mets une bonne note
hi,hi… merci 😉