Île des Pins, un nuancier infini d’impressions

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

4 mars 2013

Bonjour,

Pour cette première journée à l’île des Pins le ciel avait prévu de jouer les boudeurs. Dès le matin, un petit grain vient chatouiller les toitures de palmes de notre antre lové au creux d’une baie ourlée d’une plage de sable blanc offrant le fameux panorama auquel l’île doit son nom. Les pins colonaires s’élancent vers le ciel partout autour de nous et semblent nous murmurer « grain du matin, n’arrête pas le pèlerin ». Ils gratouillent les nuages… Ils se gondolent, cessent de pleurer et ouvrent de larges pans de ciel bleu qui dévoilent la couleur d’eau de l’archipel.

Incroyable comme cette couleur peut varier d’un endroit à l’autre : des Antilles, à la Polynésie, à la Nouvelle-Calédonie, elle se renouvelle sans jamais être pareille.Voyez comme au sein d’un même archipel assemblé géographiquement sur les cartes dessinées par les hommes, elle se révèlera différente en chaque île. A Lifou elle est translucide, turquoise, éclatante. Sur la Grande Terre, elle préfère les tonalités de vert (des plus sombres aux plus claires). A l’île des Pins c’est un dégradé de jade laiteux qui flirte avec la plage de sable blanc, puis qui s’éparpillent dans toutes les nuances jusqu’au bleu de Prusse à l’horizon. Seul l’océan est capable d’une telle diversité dans son immense générosité chromatique.

La baie de Kunuméra se situe dans la partie sud-est de la grande île, elle dessine un arc de cercle parfait. Ses eaux couleur de jade sont coupées de l’horizon par un énorme rocher calcaire surmonté d’une épaisse végétation. Il y a quelques années, une Japonaise était montée sur ce rocher. Peu de temps après, la gendarmerie l’a retrouvée mal en point. Sur la plage, lors de ma balade matinale, je croise un homme d’un certain âge qui évoque cette affaire. Et semble en être encore très troublé. Il évoque une foule d’évènements consécutifs et tout s’emmêle : ses mots, ses revendications et son embarras.

Il ne faut pas faire n’importe quoi, à l’île des Pins, tout comme dans tout le reste de la Calédonie. Ce Monsieur me le confirme à mots voilés, et me parle des « clés de la route des ancêtres ». Les mots de sa langue, les coutumes et la perception kanak de la vie, du quotidien. Il me parle de l’igname qui guide le calendrier de l’île des Pins. Ce calendrier que seule la nature gère, et non celui où l’on affiche tous les Saints du Paradis. Comme chaque fois que nous rencontrons une personne kanak, il nous est impossible de comprendre chaque mot. Il faut survoler le discours et tâcher d’en tirer l’essentiel : un message qui leur tient à coeur. Un message d’appartenance à une terre. Une envie d’exister autrement que dans une carte postale. (légitime!)

Il le sait, et me dit : « vous avez l’instruction, nous avons l’intelligence. Dans vos écoles on apprend à avoir, nos ancêtres nous apprenaient à « être ». Vous apprenez à nos enfants à « avoir », vous leur apprenez VOS lois. Ils sont instruits et perdent notre intelligence de la vie. Pour profiter pleinement de la vie, et savoir vraiment ce que c’est, il faut apprendre d’abord à tout perdre. Vous utilisez le mot valeur, mais vous ne savez pas ce que c’est. La valeur des choses ne se mesure pas comme vous le faites, chez vous, là-bas dans votre petit monde. Vous venez ici pour rêver. Vous nous regardez comme d’anciens cannibales. Mais vous ne savez pas ce qu’est la vraie vie. Vous n’avez plus aucune notion du respect. Il faut voir aussi, comment les gens se comportent, je sculpte des petites choses sur bois, et même quand c’est mauvais, les gens achètent n’importe quoi. C’est complètement fou, j’ai arrêté, c’est pas honnête de leur vendre ça! »

Il poursuit en me parlant de « l’UNESCO, et de ce qu' »ils » font à leur terre, leur lagon. « Ils arrivent, ils « protègent » un Patrimoine, et nous, on ne nous demande rien, et plus rien n’est à nous, comme avant. Nous voyons des quais se construire, puis se faire démolir par le premier cyclone et tout est là, comme ça. »

Il est vrai que tout le long de la baie de Kanuémar, dans sa partie nord, un ancien quai garde des vestiges rongés par la mer. Des gravas, des morceaux de béton armés livrés à la mer. Je ne sais si l’UNESCO a été responsable de cette construction. Par contre, ce que semble dire ce monsieur, c’est que lorsque l’UNESCO jette son dévolu sur une région cela perturbe le fonctionnement tribal. « Ils » chamboulent l’ordre social ancestral, et surtout l’accès à certaines zones devient interdit à des populations qui de tout temps ont vécu sur ces terres et pêché dans ce lagon.

J’avoue qu’avant d’entendre parler cet homme, je n’avais jamais envisagé ces « décisions protectrices » sous cet angle. Il finit son long discours par « casse pas la tête ». Cette expression qu’on voit partout sur les tee-shirt est une formule bien difficile à appliquer au quotidien de l’archipel.

Je ressors de cette discussion, perplexe. Dom est resté très à l’écart, il me surveillait d’un oeil et au moment de nos retrouvailles, j’ai bien du mal à lui répondre à sa question : « de quoi avez-vous parlé? ». Il m’a fallu plusieurs heures de décantation pour prendre du recul et tenter de résumer tout cela.

J’étais partie tranquillement sur un bord de plage, je me laissais envahir, par des beautés simples, des considérations sur la palette de couleurs utilisées par la nature. Et voici que sous un cocotier je me retrouve au coeur d’une conversation des plus existentielle.

Plus que jamais, et surtout en Nouvelle-Calédonie, restons transparents et de passage…

Voici pour vous, la moisson de clichés de cette première journée pas comme les autres!

Nat et Dom
http://etoile-de-lune.net/etoiledelune/index.php
Pour ceux qui aiment situer sur une carte n’hésitez pas à l’agrandir
Carte

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2 Commentaires

  1. Micheline

    Bonjour,
    comme c’est agréable de vous suivre et merci pour ces si belles photos!!nous voyageons aussi grâce à vous.c’est un endroit que nous ne connaissons pas!ya t’il une barriere de corail ?
    merci bonne route et à bientot!!!

    Réponse
    • Nat & Dom

      Bonjour Micheline,
      La Nouvelle Calédonie est considérée comme le plus grand lagon du monde (à ne pas confondre avec la plus grande barrière de corail qui est en Australie). Le lagon est estimé à 24000 km carrés, ou 1600 km de long. Elle est transpercées de passes. L’île des Pins est protégée par cette barrière également, seules les îles Loyautés plus à l’est de la Grande Île ne sont pas à l’intérieur de la barrière de corail. Celle-ci est classée au patrimoine mondiale de L’UNESCO. Amitiés du voyage et merci de votre commentaire

      Réponse

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