Bad Boys de l’Antiquité : Sophistes – Discours et gros sous

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

28 juillet 2024

Mon Petit Moment… en Tiques (?) 😉 … Antique 😉

 

Les Sophistes étaient-ils vraiment des « Bad boys manipulateurs », aux beaux discours sans fondement?

Entre manipulations et génie rhétorique, plongez dans l’univers fascinant de ces maîtres de la persuasion.

 

(Toute ressemblance avec des personnages s’affichant au devant de la scène de nos sociétés est totalement fortuite et indépendante de ma volonté!)

Sophistes : Les Influenceurs Avant l’Heure

Dès qu’on évoque les Sophistes, on pense à ces professeurs itinérants du Ve siècle avant notre ère, maîtres de la rhétorique et de la persuasion. Passionnés par les joutes verbales, ils enseignaient l’art de les gagner, parfois au détriment de la cohérence logique de leurs arguments, sans forcément se soucier de la vérité objective. Une méthode qui leur a valu les foudres de philosophes comme Socrate et Platon, mais aussi un grand succès auprès de leurs contemporains.

Maîtres de la Rhétorique… et de la Facture Salée

Protagoras, l’un des plus célèbres Sophistes, offrait ses services contre rémunération, parfois jusqu’à l’équivalent de 50 000 euros d’aujourd’hui pour diffuser son savoir. Oui, vous avez bien lu ! Les Sophistes étaient parmi les premiers conférenciers rémunérés, bien avant les présidents à la retraite qui facturent leurs discours.

A la différence des Sophistes, Platon n’avait pas besoin de travailler, issu d’un milieu aisé, il pouvait à sa guise diffuser son enseignement. Tandis que Protagoras, ou les sophistes étaient des personnes érudites mais sans le sous. Le fait d’enseigner à la classe aisée la rhétorique, leur permettait de vivre, tout en étant des passeurs de savoir, puis des producteurs de savoir. 

Une Doctrine Révolutionnaire

Les Sophistes ont apporté des contributions significatives à divers domaines de la pensée. La rhétorique n’est pas qu’une affaire de forme, elle a permis de structurer le discours, d’être plus clair dans l’énoncée des idées. Cela a ouvert la porte à Platon, Socrate… et tous les grands penseurs qui ont influencé le mode de raisonnement de l’Occident.

Protagoras, par exemple, est célèbre pour sa maxime « L’homme est la mesure de toutes choses », posant les bases du relativisme, une idée encore pertinente aujourd’hui.

Cette doctrine, nouvelle pour l’époque, qui affirmait que « rien ne peut être connu en soi-même, tout est relatif », remettait en cause l’ordre social, la justice et même la religion. En effet, dès que l’homme décide par lui-même ce qui est vrai, la société ne peut plus lui imposer « sa vérité ». Cette notion menaçait le fonctionnement social de l’époque, mais également les dogmes religieux :  « la religion, une invention de l’homme ».

D’une part, la société et son fonctionnement se sentaient menacés. D’autre part, le relativisme a libéré les esprits pour produire du savoir. En introduisant le doute, qui sera si cher à Descartes, deux mille ans plus tard, les Sophistes étayent les fondements de la pensée occidentale moderne. Jacqueline de Romilly écrit que le Sophisme est l’une des racines de la science.

Des Pionniers de la Pensée

Les Sophistes ont aussi contribué aux domaines de la logique, du scepticisme et de la linguistique. Gorgias, par exemple, avec son œuvre « Sur le non-être », remettait en question la possibilité de connaître la vérité absolue. Prodicos explorait les nuances de la langue, contribuant ainsi aux débuts de la linguistique.

La Moralité Pragmatique des Sophistes

Les détracteurs des Sophistes prétendaient qu’ils étaient immoraux. Pourtant, les Sophistes défendaient une morale pragmatique basée sur « l’utilité ». L’homme qui incarne cette sagesse, c’est le médecin. Le médecin évalue les solutions à sa disposition et choisit celle qui aura le plus d’impact sur la guérison du malade. Le Sophiste invite l’homme à toujours choisir les options qui le mettront lui, ou autrui, dans de meilleures dispositions.

Dans la cité, ce critère se traduit par : « toute idée ou solution qui contribue davantage à l’intérêt commun a plus de valeur qu’une autre. » Plutôt que de les voir comme les instigateurs du chaos, ils pourraient être revisités comme des sages tentant de créer du lien entre les citoyens. Ils valorisaient la bonne entente entre les citoyens et la paix intérieure.

Si les autres courants de philosophie ne leur offrait que critiques, dans l’ensemble la population les voyait comme des maîtres de la morale, prêchant la protection de la vie sociale, milieu qui, selon eux, rend l’homme vertueux. (Un peu d’idéalisme donne du baume à l’espérance qui se tapit au fond de l’âme ! 😉)

Réhabilitation et Influence

Ainsi,  malgré les critiques, les Sophistes jouissaient d’une grande reconnaissance et étaient respectés pour leur savoir et leur enseignement. Ils jouaient un rôle crucial dans l’éducation des jeunes hommes de l’élite athénienne, préparant ces derniers à la vie publique et politique. Leur relativisme et leur scepticisme trouvent des échos dans la philosophie moderne et post-moderne.

Une réputation à double visage

Il est vrai que certains Sophistes ont mérité leur mauvaise réputation, se concentrant uniquement sur l’art de la rhétorique au détriment de la vérité, et se faisant payer très cher pour leurs prestations. Ce sont souvent les disciples des premiers sophistes innovateurs, la pratique mercantile des successeurs a terni l’image de l’ensemble du mouvement sophiste, et ce pour les siècles qui ont suivi.

Cependant, les « Grands Sophistes », initiateurs du mouvement, ne méritaient pas cette réputation. Sans ces précurseurs, des figures telles que Socrate, Platon, Périclès, Thucydide, Euripide et Aristophane n’auraient peut-être pas atteint la grandeur qu’on leur connaît.

Les Grands Sophistes 

  • Protagoras (vers 490-420 av. J.-C.) : Connu pour sa célèbre maxime « L’homme est la mesure de toutes choses », Protagoras soutenait que la vérité était relative et dépendait de la perception individuelle.
  • Gorgias (vers 485-380 av. J.-C.) : Un maître de la rhétorique, Gorgias est célèbre pour son œuvre « Sur le non-être » dans laquelle il argumente de manière paradoxale que rien n’existe, et que même si quelque chose existait, il serait inconnaissable et inexprimable.
  • Hippias (vers 460-400 av. J.-C.) : Un polymathe qui enseignait divers sujets, Hippias était connu pour son érudition et son habileté à parler sur n’importe quel sujet sans préparation.
  • Prodicos (vers 465-395 av. J.-C.) :
  • Spécialisé dans la sémantique et la distinction des mots, Prodicos est souvent mentionné pour son intérêt pour les nuances de la langue et de la signification.
  • Thrasymachos (Vème siècle av. J.-C.) : Présenté dans « La République » de Platon, Thrasymachos est célèbre pour sa thèse selon laquelle « la justice est l’avantage du plus fort », argumentant que les lois et les concepts de justice sont créés par ceux au pouvoir pour leur propre bénéfice.

Des Sophistes aux Conférenciers Modernes 

Une Histoire de Beau Discours et de Gros Chèques

Aujourd’hui, les Sophistes-bad-boys reviennent en force. Nos politiciens, de tout bord et de tout pays, se traitent mutuellement de « sophistes » avec une ironie mordante.

Ah, la magie des discours politiques !

On se croirait presque en pleine Agora athénienne, avec des débats enflammés et des arguments sophistiqués qui fusent de toute part. Et, tout comme Protagoras autrefois, certains de nos contemporains ne rechignent pas devant une « petite » rémunération pour leurs prestations oratoires, bien sûr ajustée à l’inflation. Ainsi, les Sophistes modernes continuent de captiver les foules, avec un « soupçon » de polémique en prime.

Le monde ne change pas vraiment, car l’humain ne change pas, mû par des ambitions tantôt louables, tantôt mercantiles, animé par la soif de pouvoir et de reconnaissance.

Mais heureusement, l’ensemble de l’humanité dans sa diversité s’équilibre « à peu près » , entre travers et « bonnes actions », sinon l’Humain aurait déjà mis le « feu à sa Planète » !

Les Sophistes étaient des penseurs avant-gardistes dont l’importance et les contributions ont été éclipsées par les critiques de leurs détracteurs. Ils ont joué un rôle majeur dans l’évolution de la pensée philosophique et éducative en Grèce antique.  Tout l’humanisme occidental repose sur cette idée que l’homme devient meilleur grâce à un certain rapport avec le savoir. Cette idée, nous la devons fort probablement aux Sophistes.

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2 Commentaires

  1. Sylvie Revel

    L’esprit critique s’est exercé au fil des âges pour tendre vers le développement de la réflexion et de l’enseignement de la rhétorique. À chaque époque, les esprits éclairés ont cherché à imposer leur vérité.Certes, de grands penseurs ont soutenu des doctrines sérieuses…n’oublions pas que Platon était un aristocrate alors que les sophistes étaient issus du peuple. On en vient à conclure que tout est relatif ! Il en est de même pour le siècle des lumières, avec le triomphe de la raison sur la foi.
    Que dire d’aujourd’hui !? Que certains érudits persuadent, que les orateurs se heurtent au nom d’une pseudo justice et surtout d’intérêts qu’ils défendent. Le monde n’a pas changé…Si la philosophie au sens noble du terme soutient et défend des évidences, les sophistes de nos univers politiques sont peu nombreux à mériter notre reconnaissance… Merci de nous avoir amené à réfléchir à tout ce qui a contribué à la pensée d’aujourd’hui !

    Réponse
    • Nathalie Cathala

      Effectivement, je ne le mentionne pas dans le blog, et merci de l’évoquer, ici. Peu savent que Platon n’avait pas besoin de travailler, issu d’un milieu aisé, il pouvait à sa guise diffuser son enseignement. Tandis que Protagoras, ou les sophistes étaient des personnes érudites mais sans le sous. Le fait d’enseigner à la classe aisée la rhétorique, leur permettait de vivre, tout en étant des passeurs de savoir, puis des producteurs de savoir. La rhétorique n’est pas qu’une affaire de forme, elle a permis de structurer le discours, d’être plus clair dans l’énoncée des idées. Cela a ouvert la porte à Platon, Socrate… et tous les grands penseurs qui ont influencé le mode de raisonnement de l’Occident… quant au reste … bien évidemment, le monde ne change pas, car l’humain ne change pas, mû par des ambitions tantôt louables, tantôt mercantiles, ou soif de pouvoir et de reconnaissance. Il n’a pas que des travers heureusement, il aurait déjà mis le « feu à sa Planète » 😉 … merci de ta réflexion très intéressante. 😉

      Réponse

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