Bohol, une île ébranlée

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Rédigé par Nathalie Cathala

Nomades dans l’âme, l’objectif et la plume de Nat se baladent partout : en voilier autour du monde, par les airs d’un continent à l’autre; par les routes sur les chemins du désert, en 4*4 (tente sur le toit), à vélo , à pied ou en paddle. Plume et objectif se rejoignent dans ce blog, pour partager leurs coups de coeur.

28 août 2015

Bonjour,

En arrivant à Tagbilaran, sur l’île de Bohol j’avais encore dans les yeux la lumière de Siquijor et de Palawan, l’émerveillement pour un peuple, des lagons, des plages, et tout ce qui fait d’un pays un rêve éveillé. La réalité s’ouvre, cruelle, à Bohol. L’île a été secouée le 15 octobre 2013 par un tremblement de terre d’une force de 7.2. Pour mémoire, le récent tremblement de terre au Népal était de 7.9.

Aujourd’hui en 2015, la population est encore « secouée » … sans jeu de mots. Les routes se reconstruisent peu à peu, mais il reste encore beaucoup à faire. Chaque Philippin que nous rencontrons nous raconte comment il a vécu le tremblement, mais aussi les multiples répliques qui se sont éternisées pendant près d’un an. Certains de nos nouveaux amis ont tout perdu. D’autres ont vu leur maison résister au tremblement, puis s’écrouler dans les répliques. Certains ont craint à chaque réplique mourir, ou perdre ce qui tenait encore debout. Nous trouvons une population particulièrement marquée, traumatisée. D’autant plus que le 8 novembre, le typhon Haiyan – un des cyclones les plus puissants de l’histoire qui a complètement détruit Samar et Leite (les îles voisines qui elles, non plus ne sont pas encore remises de ces deux affres) frappe la zone de plein fouet. Les pluies torrentielles achèvent le travail de destruction massive.

Les esprits sont tellement choqués de cette récurrence, que tous nous disent avoir vécu les deux événements dans la même semaine (en réalité, 3 semaines séparent les deux tragédies).

Partout sur la route, nous voyons les édifices religieux écroulés, qui attendent des aides internationales. Les Philippines, en moins d’une minute, ont perdu un patrimoine datant de 1724 pour l’église de Baclayon, du 17e siècle pour celle de Loboc, et 1850 pour celle de Loon, ainsi que la basilique mineure de l’Enfant Saint, datant de 1739. C’est un patrimoine religieux auquel les Philippines sont très attachées. Catholiques à 96%, les habitants s’emploient avec leurs moyens à remonter ce qui peut l’être, ou à préserver les ruines pour que personne n’oublie. Dans nos pérégrinations sur l’île, je suis plus touchée par l’état des maisons. Certaines se retrouvent avec le premier étage au niveau de rez-de-chaussée ou bien pire, une seule façade s’est écroulée, et l’ensemble de la maison a basculé, le sol présentant une pente de 30 degrés. Étonnamment les habitants y vivent encore, lorsque c’est possible. Nous voyons des maisons que par pudeur je n’ose photographier dans un état alarmant, et les familles y vivent, car c’est leur seul bien, ils n’ont pas les moyens de « refaire »…

Dans ce grand « fracas » causé par le centre de la Terre, les familles pauvres s’en tirent le mieux, car les maisons de bambou n’ont pas causé autant de dégâts que le béton, elles ont tenu le coup, secouées à souhait, elles sont revenues dans leur état « normal » à chaque secousse.

Je me sens triste à Bohol. Triste pour la première fois aux Philippines. Je savais que ce peuple était courageux, qu’il traversait beaucoup de choses, et qu’il parvenait à garder le sourire. Mais là… c’est trop, trop à porter pour leurs épaules. L’île est « cassée! »…

Du moins sa partie ouest et sud, car le nord et l’est ont été préservés.

Et puis, une partie de l’île est cassée aussi, par autre chose, de plus insidieux. Bohol est l’une des îles qui se développent le plus d’un point de vue touristique. La péninsule de Panglao a complètement perdu son authenticité. Les guides vous envoient à Alona Beach (que nous avons complètement évité), qui devient un enfer, pour les visiteurs qui reviennent dépités par le harcèlement au consumérisme, la bétonite aiguë et l’alignement en rang d’oignon des restaurants de plage. C’est aussi un désastre pour les Philippins qui voient leur environnement disparaître pour quelques commerçants qui eux se remplissent les poches.
Cela donne du travail… C’est certain, mais il est mal rémunéré, et je vois les Philippins ici, bien moins heureux que partout ailleurs. Quelque chose se passe ici. Une mutation dont personne n’a vraiment envie.

Au début de notre séjour sur Bohol, nous avions choisi un coin à l’écart. Mais force est d’avouer que les propriétaires (un Australien du Bush reconverti à l’hôtellerie et marié à une Philippo) ont l’ambition ici aussi de « faire du tourisme ». L’endroit est hors des chemins battus, mais ils cherchent à tout prix à nous aiguiller vers tel parc d’attractions, vers tel zoo… vers telle activité. Pour exemple, sur Bohol, contrairement à Siquijor, les papillons sont en cage pour émerveiller les touristes, pas pour préserver la nature…

Aie aie aie ! Nous sommes des électrons libres. S’il y a une chose que nous n’aimons pas, c’est la nature asservie à des jeux qui amusent certainement les enfants, mais qui sont trop loin de nos valeurs. Nous nous échappons. En partant, le propriétaire nous demande où nous allons… Nous répondons au nord! Et lui de s’écrier :
« Mais n’allez pas au Nord, il n’y a rien à faire là bas…  »
C’est ce que nous verrons !

A plus, quelque part entre L’Indien et le Pacifique
Nat et Dom sur les chemins du monde
Texte et photos Nathalie Cathala, tous droits réservés, pour toute utilisation me contacter
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